Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/486

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catégories, tendance constante à s’affranchir des charges, toujours trop lourdes, que font peser sur la production et la circulation le budget de l’État, l’exploitation des grandes Compagnies, le privilége des offices, l’intérêt des capitaux, l’escompte des banques, les loyers et fermages de la propriété. Qu’elles le sachent ou l’ignorent, les deux classes dont nous parlons sont donc, par la nature de leurs intérêts, dans une disposition d’esprit perpétuellement révolutionnaire, et l’expérience prouve qu’en effet elles n’ont jamais fait défaut aux révolutions.

La classe moyenne, sur laquelle on s’était flatté jadis d’asseoir le gouvernement représentatif, est tombée progressivement dans une condition si précaire, qu’elle n’apparaît plus que comme une transition de l’opulence parasite au paupérisme, de la liberté propriétaire à la servitude du salariat. Le sentiment de cette déchéance lui a fait perdre toute foi aux combinaisons politiques ; du désespoir elle a passé à l’indifférence : elle n’attend, pour l’amélioration de son sort, pas plus de ses hommes d’État que de ses évêques. Or, quand la foi à l’ordre politique s’évanouit, le jour n’est pas loin où l’ordre politique doit se renouveler ou périr : c’est la loi des révolutions.

Pour la classe moyenne, en effet, le ciel gouvernemental est sans pitié. De jour en jour l’aggravation des charges budgétaires, le prélèvement du capital, l’extension des grandes Compagnies de finance, commerce, industrie, travaux publics, écrasant la petite exploitation, rejette des multitudes de citoyens de l’exercice des professions libres dans la subalternité des emplois, les met à la merci de l’État ou de la nouvelle Féodalité. Que peut à cela le pouvoir ? rien. Il faudrait qu’il combattît son propre principe, qu’il niât sa propre formule ; et puis, lui-même n’est-il pas dans la dépendance des grands feudataires du commerce, des barons de la houille, du fer, du coton, du railway ?…

Ainsi grevée par ses frais d’État, tributaire d’une exploitation supérieure, soumise à toutes les oscillations boursières, à toutes les machinations diplomatiques, la classe moyenne se voit peu à peu privée de toutes garanties. La sé-