Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/493

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contre la propriété ? Est-ce qu’on ne soutient pas que si le propriétaire a le droit d’user, il n’a pas celui d’abuser ? Est-ce que le peuple de Paris n’attend pas avec une souveraine impatience que l’empereur, se faisant entrepreneur de bâtiments, tranche d’autorité la question des loyers ? Et n’est-il pas au su de tout le monde que depuis plusieurs termes la police est occupée de transiger les locations impayées des familles pauvres, et de louer, dans les divers quartiers de Paris, des maisons qu’elle sous-loue ensuite aux ouvriers ?

Or, le jour où l’Empire aura fait retourner à l’État les chemins de fer, où il fera du juste prix dans l’escompte, de l’égalité et de l’unité dans la circulation, force lui sera d’appliquer à tout la réforme, de remplacer les œuvres de la philanthropie par les déterminations d’une loi positive, et de substituer, sur toutes les parties de l’organisme social, son action souveraine à celle du privilége.

Mais, quand cette conversion aura été faite, naturellement avec indemnité, soit inscription de rentes égale à la totalité des valeurs expropriées, la situation sera plus pénible qu’auparavant. D’un côté, par le règlement des indemnités, les charges se seront accrues ; de l’autre, par l’abaissement des tarifs et l’amélioration des salaires (l’Empire ne saurait échapper à cette double condition), le revenu net sera amoindri. Tout l’avantage pour le pays sera d’avoir réduit la variété du privilége, qui dans ce moment ne permet pas d’en découvrir la loi, à un même dénominateur. D’une part donc le corps des privilégiés, portant l’uniforme doré de la rente ; de l’autre, la multitude des travailleurs de l’État, serfs du grand-livre, esclaves de la consigne, inégaux de grade et de salaire, et n’ayant plus, comme les officiers de l’armée actuelle, qu’une pensée, un intérêt, la promotion et l’augmentation de solde.

Se figure-t-on un antagonisme plus atroce, une situation plus violente ? Et croit-on que, ramenées à une expression aussi simple, la banqueroute et l’anarchie se fassent longtemps attendre ?…

Le gouvernement, direz-vous, ne se laissera pas ainsi acculer. Il saura s’arrêter à temps ; il a la force, et ses ressources sont inépuisables.