Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/523

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nouveaux produits ; formez des Compagnies en nom collectif et anonymes ; obtenez pour vos combinaisons heureuses, pour vos applications utiles, pour vos entreprises hardies, des brevets et des priviléges, jetez vos actions sur la place ; remuez des millions et des milliards, et soyez sans inquiétude. Toute valeur vraie qui aura été par vous constatée, démontrée par la théorie et l’expérience, le Travail vous l’escomptera.

Ainsi la création de ces innombrables Compagnies, qui semblent devoir asservir à tout jamais l’humanité travailleuse, et que tant de gens sont tentés de prendre pour un mouvement en arrière, n’est en dernière analyse qu’une transition régénératrice. C’est par elles que toute subalternisation de l’homme à l’homme doit disparaître, et que les classes que nous avons appelées supérieure et inférieure, nées de l’anarchie économique et de l’individualisme spéculatif, doivent revenir à l’homogénéité, et se résoudre dans une seule et même association de producteurs.

Le gouvernement actuel se flatte, comme ses prédécesseurs, d’avoir fermé l’ère des révolutions.

Pour ceux qui appellent de ce nom les agitations de la place publique, les harangues des tribuns, les manifestations populaires, les orages de la tribune, les luttes de la presse, nous dirons volontiers : C’est possible ; et bien que nous ne voulussions pas en jurer, nous en acceptons avec joie l’heureuse espérance.

Mais si l’on entend par révolution la réforme progressive et sans fin des sociétés, la réduction des priviléges, le développement de l’égalité, nous répondrons hardiment : Non, la révolution n’a pas rétrogradé d’une seule ligne ; il nous faudrait prendre le bonnet vert, et renoncer à notre qualité de Français, si elle rétrogradait.

Sans doute, en voyant l’abaissement moral des caractères, la couardise et l’hypocrisie des intérêts, le mépris de l’humanité dont ils font preuve, les excès auxquels ils dévouent le présent et l’avenir de la nation, il est pardonnable de croire à une rétrogradation, et de pleurer, avec certains