commun effort, il refuse, aux mêmes conditions qu’il a lui-même dictées, de procurer le bien-être de ceux qui firent sa fortune : et vous demandez ce qu’une pareille conduite a de frauduleux ! Sous prétexte qu’il a payé ses ouvriers, qu’il ne leur doit plus rien, qu’il n’a que faire de se mettre au service d’autrui, tandis que ses propres occupations le réclament, il refuse, dis-je, d’aider les autres dans leur établissement, comme ils l’ont aidé dans le sien ; et lorsque, dans l’impuissance de leur isolement, ces travailleurs délaissés tombent dans la nécessité de faire argent de leur héritage, lui, ce propriétaire ingrat, ce fourbe parvenu, se trouve prêt à consommer leur spoliation et leur ruine. Et vous trouvez cela juste ! prenez garde, je lis dans vos regards surpris le reproche d’une conscience coupable bien plus que le naïf étonnement d’une involontaire ignorance.
Le capitaliste, dit-on, a payé les journées des ouvriers ; pour être exact, il faut dire que le capitaliste a payé autant de fois une journée qu’il a employé d’ouvriers chaque jour, ce qui n’est point du tout la même chose. Car, cette force immense qui résulte de l’union et de l’harmonie des travailleurs, de la convergence et de la simultanéité de leurs efforts, il ne l’a point payée. Deux cents grenadiers ont en quelques heures dressé l’obélisque de Luqsor sur sa base ; suppose-t-on qu’un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout ? Cependant, au compte du capitaliste, la somme des salaires eût été la même. Eh bien, un désert à mettre en culture, une maison à bâtir, une manufacture à exploiter, c’est l’obélisque à soulever, c’est une montagne à changer de place. La plus petite fortune, le plus mince établissement, la mise en train de la plus chétive industrie, exige un concours de travaux et de talents si divers, que le même homme n’y suffirait jamais. Il est étonnant que les économistes ne l’aient pas remarqué. Faisons donc la balance de ce que le capitaliste a reçu et de ce qu’il a payé.
Il faut au travailleur un salaire qui le fasse vivre pendant qu’il travaille, car il ne produit qu’en consommant. Quiconque occupe un homme lui doit nourriture et entretien, ou salaire équivalent. C’est la première part à faire dans