Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/155

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baine est tout à la fois en raison du temps et en raison de la chose, ce qui a fait dire que l’usure croît comme chancre, fœnus serpit sicut cancer.

2o L’aubaine payée au propriétaire par le détenteur est chose perdue pour celui-ci. Car si le propriétaire devait, en échange de l’aubaine qu’il perçoit, quelque chose de plus que la permission qu’il accorde, son droit de propriété ne serait pas parfait, il ne posséderait pas jure optimo, jure perfecto, c’est-à-dire qu’il ne serait pas réellement propriétaire. Donc, tout ce qui passe des mains de l’occupant dans celles du propriétaire à titre d’aubaine et comme prix de la permission d’occuper, est acquis irrévocablement au second, perdu, anéanti pour le premier, à qui rien ne peut en revenir, si ce n’est comme don, aumône, salaire de services, ou prix de marchandises par lui livrées. En un mot, l’aubaine périt pour l’emprunteur, ou, comme aurait dit énergiquement le latin, res perit solventi.

3o Le droit d’aubaine a lieu contre le propriétaire comme contre l’étranger. Le seigneur de la chose, distinguant en soi le possesseur du propriétaire, s’impose à lui-même, pour l’usufruit de sa propriété, une taxe égale à celle qu’il pourrait recevoir d’un tiers ; en sorte qu’un capital porte intérêt dans les mains du capitaliste comme dans celles de l’emprunteur et du commandité. En effet, si, au lieu d’accepter 500 francs de loyer de mon appartement, je préfère l’occuper et en jouir, il est clair que je deviens débiteur envers moi d’une rente égale à celle que je refuse : ce principe est universellement suivi dans le commerce, et regardé comme un axiome par les économistes. Aussi les industriels qui ont l’avantage d’être propriétaires de leur fonds de roulement, bien qu’ils ne doivent d’intérêts à personne, ne calculent-ils leurs bénéfices qu’après avoir prélevé, avec leurs appointements et leurs frais, les intérêts de leur capital. Par la même raison, les prêteurs d’argent conservent par devers eux le moins d’argent qu’ils peuvent ; car tout capital portant nécessairement intérêt, si cet intérêt n’est servi par personne, il se prendra sur le capital, qui de la sorte se trouvera d’autant diminué. Ainsi