Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/160

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« Mais nous ne pouvons nous en passer. Sans la propriété, un laboureur se battrait avec un autre pour cultiver un champ qui n’aurait point de propriétaire, et le champ demeurerait en friche… »

Ainsi le rôle du propriétaire consiste à mettre les laboureurs d’accord en les dépouillant tous… Ô raison ! ô justice ! ô science merveilleuse des économistes ! Le propriétaire, selon eux, est comme Perrin-Dandin, qui, appelé par deux voyageurs en dispute pour une huître, l’ouvre, la gruge et leur dit :

La cour vous donne à tous deux une écaille.


Était-il possible de dire plus de mal de la propriété ?

Say nous expliquerait-il comment les laboureurs qui, sans les propriétaires, se battraient entre eux pour la possession du sol, ne se battent pas aujourd’hui contre les propriétaires pour cette même possession ? C’est apparemment parce qu’ils les croient possesseurs légitimes, et que le respect d’un droit imaginaire l’emporte en eux sur la cupidité. J’ai prouvé au chapitre II que la possession sans la propriété suffit au maintien de l’ordre social : serait-il donc plus difficile d’accorder des possesseurs sans maîtres que des fermiers ayant propriétaires ? Des hommes de travail, qui respectent à leurs dépens le prétendu droit de l’oisif, violeraient-ils le droit naturel du producteur et de l’industriel ? Quoi ! si le colon perdait ses droits sur la terre du moment où il cesserait de l’occuper, il en deviendrait plus avide ! et l’impossibilité d’exiger une aubaine, de frapper une contribution sur le travail d’autrui, serait une source de querelles et de procès ! La logique des économistes est singulière. Mais nous ne sommes pas au bout. Admettons que le propriétaire est le maître légitime de la terre.

« La terre est un instrument de production, » disent-ils ; cela est vrai. Mais lorsque, changeant le substantif en qualificatif, ils opèrent cette conversion : « la terre est un instrument productif, » ils émettent une damnable erreur.

Selon Quesnay et les anciens économistes, toute produc-