Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/182

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Eh bien ! c’est pourtant là ce qui arrive toutes les fois qu’un bénéfice quelconque est réalisé par un industriel, que ce bénéfice se nomme rente, fermage, intérêt ou profit. Dans la petite société dont nous parlons, si le cordonnier, pour se procurer les outils de son métier, acheter les premières fournitures de cuir, et vivre quelque temps avant la rentrée de ses fonds, emprunte de l’argent à intérêt, il est clair que pour payer l’intérêt de cet argent il sera forcé de bénéficier sur le tanneur et le fermier ; mais comme ce bénéfice est impossible sans fraude, l’intérêt retombera sur le malheureux cordonnier et le dévorera lui-même.

J’ai pris pour exemple un cas imaginaire et d’une simplicité hors nature : il n’y a pas de société humaine réduite à trois fonctions. La société la moins civilisée suppose déjà des industries nombreuses ; aujourd’hui le nombre des fonctions industrielles (j’entends par fonction industrielle toute fonction utile) s’élève peut-être à plus de mille. Mais quel que soit le nombre de fonctionnaires, la loi économique reste la même : Pour que le producteur vive, il faut que son salaire puisse racheter son produit.

Les économistes ne peuvent ignorer ce principe rudimentaire de leur prétendue science ; pourquoi donc s’obstinent-ils à soutenir et la propriété et l’inégalité des salaires et la légitimité de l’usure et l’honnêteté du gain, toutes choses qui contredisent la loi économique et rendent impossibles les transactions ? Un entrepreneur achète pour 100,000 francs de matières premières ; il paye 50,000 francs de salaires et de main-d’œuvre, et puis il veut retirer 200,000 francs du produit, c’est-à-dire qu’il veut bénéficier et sur la matière et sur le service de ses ouvriers ; mais si le fournisseur de matières premières et les travailleurs ne peuvent, avec leurs salaires réunis, racheter ce qu’ils ont produit pour l’entrepreneur, comment peuvent-ils vivre ? Je vais développer ma question ; les détails deviennent ici nécessaires.

Si l’ouvrier reçoit pour son travail une moyenne de 3 francs par jour, pour que le bourgeois qui l’occupe gagne, en sus de ses propres appointements, quelque chose, ne fût-ce que l’intérêt de son matériel, il faut qu’en revendant, sous forme