Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/204

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toyens : je veux parler de l’accroissement indéfini du budget.

L’impôt augmente chaque année : il serait difficile de dire précisément dans quelle partie des charges publiques se fait cette augmentation, car qui peut se flatter de connaître quelque chose à un budget ? Tous les jours nous voyons les financiers les plus habiles en désaccord : que penser, je le demande, de la science gouvernementale, quand les maîtres de cette science ne peuvent s’entendre sur des chiffres ? Quoi qu’il en soit des causes immédiates de cette progression budgétaire, les impôts n’en vont pas moins un train d’augmentation qui désespère : tout le monde le voit, tout le monde le dit, il semble que personne n’en aperçoive la cause première[1]. Or, je dis que cela ne peut être autrement, et que cela est nécessaire, inévitable.

Une nation est comme la fermière d’un grand propriétaire qu’on appelle le gouvernement, à qui elle paye, pour l’exploitation du sol, un fermage connu sous le nom d’impôt. Chaque fois que le gouvernement fait une guerre, perd une bataille ou la gagne, change le matériel de l’armée, élève un monument, creuse un canal, ouvre une route ou un chemin de fer, il fait un emprunt d’argent, dont les contribuables payent l’intérêt, c’est-à-dire que le gouvernement, sans accroître le fonds de production, augmente son capital actif ; en un mot, capitalise précisément comme le propriétaire dont je parlais tout à l’heure.

Or, l’emprunt du gouvernement une fois formé, et l’intérêt stipulé, le budget n’en peut être dégrevé ; car pour cela il faudrait, ou que les rentiers fissent remise de leurs inté-

  1. « La position financière du gouvernement anglais a été mise à nu dans la séance de la chambre des lords du 23 janvier ; elle n’est pas brillante. Depuis plusieurs années les dépenses dépassent les recettes, et le ministère ne rétablit la balance qu’à l’aide d’emprunts renouvelés tous les ans. Le déficit, officiellement constaté pour 1838 et 1839, se monte seul à 47,500,000 fr. En 1840, l’excédant prévu des dépenses sur les revenus sera de 22,500,000 fr. C’est lord Ripon qui a posé ces chiffres. Lord Melbourne lui a répondu : Le noble comte a eu malheureusement raison de déclarer que les dépenses publiques vont toujours croissant, et, comme lui, je dois dire qu’il n’y a pas lieu d’espérer qu’il pourra être apporté des diminutions ou un remède à ces dépenses. » (National du 26 janvier 1840.)