Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/208

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gouvernement sous lequel nous vivons est une chimère et la société actuelle une utopie ?


Neuvième proposition.


La propriété est impossible, parce qu’elle est impuissante contre la propriété.


I. D’après le 3e corollaire de notre axiome, l’intérêt court contre le propriétaire comme contre l’étranger ; ce principe d’économie est universellement reconnu. Rien de plus simple au premier coup d’œil ; cependant, rien de plus absurde, de plus contradictoire dans les termes et d’une plus absolue impossibilité.

L’industriel, dit-on, se paye à lui-même le loyer de sa maison et de ses capitaux ; il se paye, c’est-à-dire il se fait payer par le public qui achète ses produits : car, supposons que ce bénéfice, que l’industriel a l’air de faire sur sa propriété, il veuille le faire également sur ses marchandises ; peut-il se payer 1 fr. ce qui lui coûte 90 cent. et gagner sur le marché ? non : une semblable opération ferait passer l’argent du marchand de sa main droite à sa main gauche, mais sans aucun bénéfice pour lui.

Or, ce qui est vrai d’un seul individu trafiquant avec lui-même, est vrai aussi de toute société de commerce. Formons une chaîne de dix, quinze, vingt producteurs, aussi longue qu’on voudra : si le producteur A prélève un bénéfice sur le producteur B, d’après les principes économiques, B doit se faire rembourser par C, C par D, et ainsi de suite jusqu’à Z.

Mais par qui Z se fera-t-il rembourser du bénéfice prélevé au commencement par A ? Par le consommateur, répond Say. Misérable Escobar ! Ce consommateur est-il donc autre que A, B, C, D, etc., ou Z ? Par qui Z se fera-t-il rembourser ? S’il se fait rembourser par le premier bénéficiaire A, il n’y a plus de bénéfice pour personne, ni par conséquent de propriété. Si, au contraire, Z supporte ce bénéfice, dès ce moment il cesse de faire partie de la société, puisqu’elle