Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/256

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L’usage direct de la violence et de la ruse a été de bonne heure et d’une voix unanime repoussé ; aucune nation n’est encore parvenue à se délivrer du vol dans son union avec le talent, le travail et la possession. De là toutes les incertitudes de la casuistique et les contradictions innombrables de la jurisprudence.

Le droit de la force et le droit de la ruse, célébrés par les rapsodes dans les poèmes de l’Iliade et de l’Odyssée, inspirèrent toutes les législations grecques et remplirent de leur esprit les lois romaines, desquelles ils ont passé dans nos mœurs et dans nos codes. Le christianisme n’y a rien changé ; n’en accusons pas l’Évangile, que les prêtres, aussi mal inspirés que les légistes, n’ont jamais su ni expliquer ni entendre. L’ignorance des conciles et des pontifes, sur tout ce qui regarde la morale, a égalé celle du forum et des préteurs ; et cette ignorance profonde du droit, de la justice, de la société, est ce qui tue l’Église et déshonore à jamais son enseignement. L’infidélité de l’Église romaine et des autres Églises chrétiennes est flagrante ; toutes ont méconnu le précepte de Jésus-Christ ; toutes ont erré dans la morale et dans la doctrine ; toutes sont coupables de propositions fausses, absurdes, pleines d’iniquité et d’homicide. Qu’elle demande pardon à Dieu et aux hommes, cette Église qui se disait infaillible, et qui a corrompu sa morale ; que ses sœurs réformées s’humilient… et le peuple, désabusé, mais religieux et clément, avisera[1].

Le développement du droit, dans ses diverses expressions, a suivi la même gradation que la propriété dans ses

  1. « J’annonce l’Évangile, je vis de l’Évangile, » disait l’Apôtre, signifiant par là qu’il vivait de son travail : le clergé catholique a préféré vivre de la propriété. Les luttes des communes du moyen âge contre les abbés et les évêques grands propriétaires et seigneurs sont fameuses : les excommunications papales fulminées pour la défense des aubaines ecclésiastiques ne le sont pas moins. Aujourd’hui même, les organes officiels du clergé gallican soutiennent encore que le traitement du clergé est, non pas un salaire, mais une indemnité des biens dont jadis il était propriétaire, et que le tiers