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tendre, c’était tout ce qu’exigeait le progrès de la civilisation. Mais la propriété ! la propriété ! le droit d’aubaine sur un sol que l’on n’occupe ni ne cultive ; qui avait autorité pour l’octroyer ? qui pouvait y prétendre ?

« L’agriculture ne fut pas seule suffisante pour établir la propriété permanente ; il fallut des lois positives, des magistrats pour les faire exécuter ; en un mot, il fallut l’état civil.

« La multiplication du genre humain avait rendu l’agriculture nécessaire ; le besoin d’assurer au cultivateur les fruits de son travail fit sentir la nécessité d’une propriété permanente, et des lois pour protéger. Ainsi c’est à la propriété que nous devons l’établissement de l’état civil. »

Oui, de notre état civil, tel que vous l’avez fait, état qui fut d’abord despotisme, puis monarchie, puis aristocratie, aujourd’hui démocratie, et toujours tyrannie.

« Sans le lien de la propriété, jamais il n’eût été possible de soumettre les hommes au joug salutaire de la loi ; et, sans la propriété permanente, la terre eût continué d’être une vaste forêt. Disons donc, avec les auteurs les plus exacts, que si la propriété passagère, ou le droit de préférence que donne l’occupation est antérieure à l’établissement de la société civile, la propriété permanente, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est l’ouvrage du droit civil. — C’est le droit civil qui a établi pour maxime qu’une fois acquise, la propriété ne se perd point sans le fait du propriétaire, et qu’elle se conserve même après que le propriétaire a perdu la possession ou la détention de la chose, et qu’elle se trouve dans la main d’un tiers.

« Ainsi la propriété et la possession, qui, dans l’état primitif, étaient confondues, devinrent, par le droit civil, deux choses distinctes et indépendantes ; deux choses qui, suivant le langage des lois, n’ont plus rien de commun entre elles. On voit par là quel prodigieux changement s’est opéré dans la propriété, et combien les lois civiles en ont changé la nature. »

Ainsi la loi, en constituant la propriété, n’a point été l’expression d’un fait psychologique, le développement