Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/29

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la raison sauvage : L’univers est un non-moi, objectivé par un moi.

L’humanité suppose donc fatalement l’existence de Dieu : et si, pendant la longue période qui se clôt de notre temps, elle a cru à la réalité de son hypothèse ; si elle en a adoré l’inconcevable objet ; si, après s’être saisie dans cet acte de foi, elle persiste sciemment, mais non plus librement, dans cette opinion d’un être souverain qu’elle sait n’être qu’une personnification de sa propre pensée ; si elle est à la veille de recommencer ses invocations magiques, il faut croire qu’une si étonnante hallucination cache quelque mystère, qui mérite d’être approfondi.

Je dis hallucination et mystère, mais sans que je prétende nier par là le contenu surhumain de l’idée de Dieu, comme aussi sans admettre la nécessité d’un nouveau symbolisme, je veux dire d’une nouvelle religion. Car s’il est indubitable que l’humanité, en affirmant Dieu ou tout ce que l’on voudra sous le nom de moi ou d’esprit, n’affirme qu’elle-même, on ne saurait nier non plus qu’elle s’affirme alors comme autre que ce qu’elle se connaît ; cela résulte de toutes les mythologies comme de toutes les théodicées. Et puisque d’ailleurs cette affirmation est irrésistible, elle tient sans doute à des rapports secrets qu’il importe de déterminer, s’il est possible, scientifiquement.

En d’autres termes, l’athéisme, autrement dit l’humanisme, vrai dans toute sa partie critique et négative, ne serait, s’il s’arrêtait à l’homme tel quel de la nature, s’il écartait comme jugement abusif cette affirmation première de l’humanité, qu’elle est fille, émanation, image, reflet ou verbe de Dieu, l’humanisme, dis-je, ne serait, s’il reniait ainsi son passé, qu’une contradiction de plus. Force nous est donc d’entreprendre la critique de l’humanisme, c’est-à-dire de vérifier si l’humanité, considérée dans son ensemble et dans toutes les périodes de son développement, satisfait à l’idée divine, déduction faite même des attributs hyperboliques et fantastiques de Dieu ; si elle satisfait à la plénitude de l’être, si elle se satisfait à elle-même. Force nous est, en