un mot, de rechercher si l’humanité tend à Dieu, selon le dogme antique, ou si c’est elle-même qui devient Dieu, comme parlent les modernes. Peut-être trouverons-nous à la fin que les deux systèmes, malgré leur opposition apparente, sont vrais à la fois, et au fond identiques : dans ce cas, l’infaillibilité de la raison humaine, dans ses manifestations collectives comme dans ses spéculations réfléchies, serait hautement confirmée. — En un mot, jusqu’à ce que nous ayons vérifié sur l’homme l’hypothèse de Dieu, la négation athéiste n’a rien de définitif.
C’est donc une démonstration scientifique, c’est-à-dire empirique, de l’idée de Dieu, qui reste à faire : or, cette démonstration n’a jamais été essayée. La théologie dogmatisant sur l’autorité de ses mythes, la philosophie spéculant à l’aide des catégories, Dieu est demeuré à l’état de conception transcendentale, c’est-à-dire inaccessible à la raison, et l’hypothèse subsiste toujours.
Elle subsiste, dis-je, cette hypothèse, plus vivace, plus impitoyable que jamais. Nous sommes parvenus à l’une de ces époques fatidiques, où la société, dédaigneuse du passé et tourmentée de l’avenir, tantôt embrasse le présent avec frénésie, laissant à quelques penseurs solitaires le soin de préparer la foi nouvelle ; tantôt crie à Dieu de l’abîme de ses jouissances et demande un signe de salut, ou cherche dans le spectacle de ses révolutions, comme dans les entrailles d’une victime, le secret de ses destinées.
Qu’ai-je besoin d’insister davantage ? L’hypothèse de Dieu est légitime, car elle s’impose à tout homme malgré lui : elle ne saurait donc m’être reprochée par personne. Celui qui croit ne peut moins faire que de m’accorder la supposition que Dieu existe ; celui qui nie est forcé de me l’accorder encore, puisque lui-même l’avait faite avant moi, toute négation impliquant une affirmation préalable ; quant à celui qui doute, il lui suffit de réfléchir un instant pour comprendre que son doute suppose nécessairement un je ne sais quoi que tôt ou tard il appellera Dieu.
Mais si je possède, du fait de ma pensée, le droit de suppo-