Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/13

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aux oracles, il est clair que toute leur certitude vient de la conscience universelle qui les inspire ; et quant à l’idée de Dieu, on comprend aisément pourquoi le séquestre et le statu quo lui sont également mortels. D’un côté, le défaut de communication tient l’âme absorbée dans l’égoïsme animal ; de l’autre, l’absence de mouvement, changeant peu à peu la vie sociale en routine et mécanisme, élimine à la fin l’idée de volonté et de providence. Chose étrange ! La religion, qui périt par le progrès, périt aussi par l’immobilité.

Remarquons au surplus qu’en rapportant à la conscience vague, et pour ainsi dire objectivée d’une raison universelle, la première révélation de la divinité, nous ne préjugeons absolument rien sur la réalité même ou la non- réalité de Dieu. En effet, admettons que Dieu ne soit autre chose que l’instinct collectif ou la raison universelle : reste encore à savoir ce qu’est en elle-même cette raison universelle. Car, comme nous le ferons voir par la suite, la raison universelle n’est point donnée dans la raison individuelle ; en d’autres termes, la connaissance des lois sociales, ou la théorie des idées collectives, bien que déduite des concepts fondamentaux de la raison pure, est cependant tout empirique, et n’eût jamais été découverte a priori par voie de déduction, d’induction ou de synthèse. D’où il suit que la raison universelle, à laquelle nous rapportons ces lois comme étant son œuvre propre ; la raison universelle, qui existe, raisonne, travaille dans une sphère à part et comme une réalité distincte de la raison pure ; de même que le système du monde, bien que créé selon les lois des mathématiques, est une réalité distincte des mathématiques, et dont on n’aurait pu déduire l’existence des seules mathématiques : il s’ensuit, dis-je, que la raison universelle est précisément, en langage moderne, ce que les anciens appelèrent Dieu. Le mot est changé : que savons-nous de la chose ?

    lement sous le nom de Tao, la raison universelle et l’être infini ; et c’est même, à mon avis, cette identification constante de principes que nos habitudes religieuses et métaphysiques ont si profondément différenciés, qui ont fait toute l’obscurité du livre de Lao-Tseu.