Qu’est-ce que Dieu ? dit-elle ; où est-il ? combien est-il ? que veut-il ? que peut-il ? que promet-il ? — Et voici qu’au flambeau de l’analyse, toutes les divinités du ciel, de la terre et des enfers se réduisent à un je ne sais quoi incorporel, impassible, immobile, incompréhensible, indéfinissable, en un mot, à une négation de tous les attributs de l’existence. En effet, soit que l’homme attribue à chaque objet un esprit ou génie spécial ; soit qu’il conçoive l’univers comme gouverné par une puissance unique, il ne fait toujours que supposer une entité inconditionnée, c’est-à-dire impossible, pour en déduire une explication telle quelle de phénomènes qu’il juge inconcevables autrement. Mystère de dieu et de la raison ! Afin de rendre l’objet de son idolâtrie de plus en plus rationnel, le croyant le dépouille successivement de tout ce qui pourrait le faire réel ; et après des prodiges de logique et de génie, les attributs de l’être par excellence se trouvent être les mêmes que ceux du néant. Cette évolution est inévitable et fatale : l’athéisme est au fond de toute théodicée.
Essayons de faire comprendre ce progrès.
Dieu, créateur de toutes choses, est à peine créé lui-même par la conscience ; en d’autres termes, à peine nous avons élevé Dieu de l’idée de moi social à l’idée de moi cosmique, qu’aussitôt notre réflexion se met à le démolir, sous prétexte de perfectionnement. Perfectionner l’idée de Dieu ! épurer le dogme théologique ! Ce fut la seconde hallucination du genre humain.
L’esprit d’analyse, Satan infatigable qui interroge et contredit sans cesse, devait tôt ou tard chercher la preuve du dogmatisme religieux. Or, que le philosophe détermine l’idée de Dieu, ou qu’il la déclare indéterminable ; qu’il l’approche de sa raison, ou qu’il l’en éloigne, je dis que cette idée souffre une atteinte : et comme il est impossible que la spéculation s’arrête, il est nécessaire qu’à la longue l’idée de Dieu disparaisse. Donc le mouvement athéiste est le second acte du drame théologique ; et ce second acte est donné par le premier, comme l’effet par la cause. Les cieux racontent la gloire