rien : les crocheteurs de Lyon sont aujourd’hui ce qu’ils furent toujours, ivrognes, crapuleux, brutaux, insolents, égoïstes et lâches. Il est pénible de le dire, mais je regarde cette déclaration comme un devoir, parce qu’elle contient vérité : l’une des premières réformes à opérer parmi les classes travailleuses sera de réduire les salaires de quelques-unes, en même temps qu’on élèvera ceux des autres. Pour appartenir aux dernières classes du peuple, le monopole n’en est pas plus respectable, surtout quand il ne sert qu’à entretenir le plus grossier individualisme. L’émeute des ouvriers en soie a trouvé les crocheteurs, et généralement tous les gens de rivière, sans nulle sympathie, et plutôt hostiles. Rien de ce qui se passe hors des ports n’a puissance de les émouvoir. Bêtes de somme façonnées d’avance pour le despotisme, pourvu qu’on maintienne leur privilège, ils ne se mêleront jamais de politique. Toutefois je dois dire à leur décharge que, depuis quelque temps, les nécessités de la concurrence ayant fait brèche aux tarifs, des sentiments plus sociables ont commencé de s’éveiller chez ces natures massives : encore quelques réductions assaisonnées d’un peu de misère, et les Rigues lyonnaises formeront le corps d’élite, quand il faudra monter à l’assaut des bastilles.
En résumé, il est impossible, contradictoire, que dans le système actuel des sociétés le prolétariat arrive au bien-être par l’éducation, ni à l’éducation par le bien-être. Car, sans compter que le prolétaire, l’homme-machine, est aussi incapable de supporter l’aisance que l’instruction, il est démontré, d’une part, que son salaire tend toujours moins à s’élever qu’à descendre ; d’un autre côté, que la culture de son intelligence, alors même qu’il la pourrait recevoir, lui serait inutile : en sorte qu’il y a pour lui entraînement continu vers la barbarie et la misère. Tout ce que dans ces dernières années l’on a tenté en France et en Angleterre, en vue d’améliorer le sort des classes pauvres, sur le travail des enfants et des femmes et sur l’enseignement primaire, à moins qu’il ne soit le fruit d’une arrière-pensée de radicalisme, a été fait à rebours des données économiques et au préjudice de l’ordre établi. Le progrès, pour la masse des travailleurs, est toujours le livre fermé de sept sceaux ; et