Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/163

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La machine est le symbole de la liberté humaine, l’insigne de notre domination sur la nature, l’attribut de notre puissance, l’expression de notre droit, l’emblème de notre personnalité. Liberté, intelligence, voilà donc tout l’homme : car, si nous écartons comme mystique et inintelligible toute spéculation sur l’être humain considéré au point de vue de la substance (esprit ou matière), il ne nous reste plus que deux catégories de manifestations, comprenant, la première, tout ce que l’on nomme sensations, volitions, passions, attractions, instincts, sentiments ; l’autre, tous les phénomènes classés sous les noms d’attention, perception, mémoire, imagination, comparaison, jugement, raisonnement, etc. Quant à l’appareil organique, bien loin qu’il soit le principe ou la base de ces deux ordres de facultés, on doit le considérer comme en étant la réalisation synthétique et positive, l’expression vivante et harmonieuse. Car, comme de l’émission séculaire que l’humanité aura faite de ses principes antagonistes doit résulter un jour l’organisation sociale, tout de même l’homme doit être conçu comme le résultat de deux séries de virtualités.

Ainsi, après s’être posée comme logique, l’économie sociale poursuivant son œuvre se pose comme psychologie. L’éducation de l’intelligence et de la liberté, en un mot le bien-être de l’homme, toutes expressions parfaitement synonymes, voilà le but commun de l’économie politique et de la philosophie. Déterminer les lois de la production et de la distribution des richesses, ce sera démontrer, par une exposition objective et concrète, les lois de la raison et de la liberté ; ce sera créer à posteriori la philosophie et le droit : de quelque côté que nous nous tournions, nous sommes en pleine métaphysique.

Essayons maintenant, avec les données réunies de la psychologie et de l’économie politique, de définir la liberté.

S’il est permis de concevoir la raison humaine, à son origine, comme un atome lucide et réfléchissant, capable de représenter un jour l’univers, mais au premier instant vide de toute image ; on peut de même considérer la liberté, au début de la conscience, comme un point vivant, punctum saliens, une spontanéité vague, aveugle, ou plutôt indiffé-