Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Puis il ajoute, avec non moins de raison :

« On remarquera combien cette méthode diffère de celle de ces philosophes dogmatiques, qui ne parlent que de droits et de devoirs ; de ce que les gouvernements ont le devoir de faire et les nations le droit d’exiger, etc. Je ne dis pas sentencieusement : les hommes ont le droit d’être libres ; je me borne à demander : comment arrive-t-il qu’ils le soient ?

D’après cet exposé, on peut résumer en quatre lignes l’ouvrage qu’a voulu faire M. Dunoyer : Revue des obstacles qui entravent la liberté, et des moyens (instruments, méthodes, idées, coutumes, religions, gouvernements, etc.) qui la favorisent. Sans les omissions, l’ouvrage de M. Dunoyer eût été la philosophie même de l’économie politique.

Après avoir soulevé le problème de la liberté, l’économie politique nous en fournit donc une définition conforme de tout point à celle que donne la psychologie et que suggèrent les analogies du langage : et voilà comment peu à peu l’étude de l’homme se trouve transportée de la contemplation du moi, à l’observation des réalités.

Or, de même que les déterminations de la raison dans l’homme ont reçu le nom d’idées (idées sommaires, supposées à priori, ou principes, conceptions, catégories ; et idées secondaires, ou plus spécialement acquises et empiriques) ; — de même les déterminations de la liberté ont reçu le nom de volitions, sentiments, habitudes, mœurs. Puis le langage, figuratif de sa nature, continuant à fournir les éléments de la première psychologie, on a pris l’habitude d’assigner aux idées, comme lieu ou capacité où elles résident, l’intelligence ; et aux volitions, sentiments, etc., la conscience. Toutes ces abstractions ont été pendant longtemps prises pour des réalités par les philosophes, dont aucun ne s’apercevait que toute distribution des facultés de l’âme est nécessairement œuvre de fantaisie, et que leur psychologie n’était qu’un mirage.

Quoi qu’il en soit, si nous concevons maintenant ces deux ordres de déterminations, la raison et la liberté, comme réunis et fondus par l’organisation en une personne vivante, raisonnable et libre, nous comprendrons aussitôt qu’elles doivent se prêter un secours mutuel et s’influencer réciproquement. Si, par erreur ou inadvertance de la raison, la li-