concurrence industrielle, ils se sont demandé si la société ne pouvait pas être constituée précisément comme une grande famille dont tous les membres seraient liés par l’affection du sang, et non comme une espèce de coalition où chacun est retenu par la loi de ses intérêts. La famille n’est pas, si j’ose dire ainsi, le type, la molécule organique de la société. Dans la famille, comme l’avait très-bien observé M. de Bonald, il n’existe qu’un seul être moral, un seul esprit, une seule âme, je dirais presque, avec la Bible, une seule chair. La famille est le type et le berceau de la monarchie et du patriciat : en elle réside et se conserve l’idée d’autorité et de souveraineté, qui s’efface de plus en plus dans l’état. C’est sur le modèle de la famille que toutes les sociétés antiques et féodales s’étaient organisées : et c’est précisément contre cette vieille constitution patriarcale, que proteste et se révolte la démocratie moderne.
L’unité constitutive de la société est l’atelier.
Or, l’atelier implique nécessairement un intérêt de corps, et des intérêts privés ; une personne collective, et des individus. De là, un système de rapports inconnus dans la famille, et parmi lesquels l’opposition de la volonté collective, représentée par le maître, et des volontés individuelles, représentées par les salariés, figure au premier rang. Viennent ensuite les rapports d’atelier à atelier, de capital à capital, en d’autres termes la concurrence et l’association. Car la concurrence et l’association s’appuient l’une sur l’autre ; elles n’existent pas l’une sans l’autre ; bien loin de s’exclure, elles ne sont pas même divergentes. Qui dit concurrence, suppose déjà but commun ; la concurrence n’est donc pas l’égoïsme, et l’erreur la plus déplorable du socialisme est de l’avoir regardée comme le renversement de la société.
Il ne saurait donc être ici question de détruire la concurrence, chose aussi impossible que de détruire la liberté ; il s’agit d’en trouver l’équilibre, je dirais volontiers la police. Car toute force, tout spontanéité, soit individuelle, soit collective, doit recevoir sa détermination : il en est à cet égard de la concurrence comme de l’intelligence et de la liberté. Comment donc la concurrence se déterminera-t-elle harmoniquement dans la société ?