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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/27

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que ses formes ; quant à la substance, néant. Comment donc est-il possible d’affirmer la réalité d’un être invisible, impalpable, incoercible, toujours changeant, toujours fuyant, impénétrable seulement à la pensée, à laquelle il ne laisse voir de lui que ses déguisements ? Matérialiste ! Je vous permets d’attester la réalité de vos sensations : quant à ce qui les occasionne, tout ce que vous en pouvez dire implique cette réciprocité : quelque chose (que vous appelez matière) est l’occasion des sensations qui arrivent à un autre quelque chose (que je nomme esprit).

2o Mais d’où vient donc cette supposition, que rien dans l’observation externe ne justifie, qui n’est pas vraie, d’impénétrabilité de la matière, et quel en est le sens ?

Ici apparaît le triomphe du dualisme. La matière est déclarée impénétrable, non pas, comme les matérialistes et le vulgaire se le figurent, par le témoignage des sens, mais par la conscience. C’est le moi, nature incompréhensible, qui, se sentant libre, distinct et permanent, et rencontrant hors de lui-même une autre nature également incompréhensible, mais distincte aussi et permanente malgré ses métamorphoses, prononce, en vertu des sensations et des idées que cette essence lui suggère, que le non-moi est étendu et impénétrable. L’impénétrabilité est un mot figuratif, une image sous laquelle la pensée, scission de l’absolu, se représente la réalité matérielle, autre scission de l’absolu : mais cette impénétrabilité, sans laquelle la matière s’évanouit, n’est en dernière analyse qu’un jugement spontané du sens intime, un à priori métaphysique, une hypothèse non vérifiée… de l’esprit.

    gories ; c’est-à-dire qu’il distingue, individualise, concrète, dénombre, oppose ce qui, matériel ou immatériel, est profondément identique et indiscernable. La matière, aussi bien que l’esprit, joue à nos yeux toutes sortes de rôles ; et comme ses métamorphoses n’ont rien d’arbitraire, nous en prenons texte pour bâtir ces théories psychologiques et atomiques, vraies en tant que sous un langage de convention, elles nous représentent fidèlement la série des phénomènes ; mais radicalement fausses, dès qu’elles prétendent réaliser leurs abstractions, et conclure au pied de la lettre.