de l’équitable répartition de l’impôt ? que si, selon le vœu de M. Chevalier, le gouvernement avait voulu frapper le riche et ménager le pauvre, l’impôt des lettres était le dernier qu’il eût fallu réduire ? Ne semble-t-il pas que le fisc, infidèle à l’esprit de son institution, n’ait attendu que le prétexte d’un dégrèvement inappréciable à l’indigence, pour avoir occasion de faire un cadeau à la fortune ?
Voilà ce que les censeurs du projet de loi auraient pu dire, et ce qu’aucun d’eux n’a aperçu. Il est vrai qu’alors la critique, au lieu de s’adresser au ministre, frappait le pouvoir dans son essence, et avec le pouvoir la propriété : ce qui ne faisait plus le compte des opposants. La vérité, aujourd’hui, a contre elle toutes les opinions.
Et maintenant se pouvait-il qu’il en fût autrement ? Non, puisque si l’on conservait l’ancienne taxe, on nuisait à tout le monde sans soulager personne ; et si on la dégrevait, on ne pouvait diviser le tarif par catégories de citoyens, sans violer l’article premier de la Charte constitutionnelle, qui dit : « Tous les Français sont égaux devant la loi, » c’est-à-dire devant l’impôt. Or, l’impôt des lettres est nécessairement personnel ; donc cet impôt est une capitation ; donc ce qui est équité sous ce rapport, étant iniquité à un autre point de vue, l’équilibre des charges est impossible.
À la même époque, une autre réforme fut opérée par les soins du gouvernement, celle du tarif des bestiaux. Auparavant les droits sur le bétail, soit à l’importation de l’étranger, soit à l’entrée des villes, se percevaient par tête ; désormais ils devront être perçus au poids. Cette utile réforme, réclamée depuis bien longtemps, est due en partie à l’influence des économistes, qui, à cette occasion comme en beaucoup d’autres que je ne puis rappeler, ont montré le zèle le plus honorable, et ont laissé bien loin derrière eux les déclamations oisives du socialisme. Mais ici encore le bien qui résulte de la loi pour l’amélioration des classes pauvres est tout illusoire. On a égalisé, régularisé, la perception sur les bêtes ; on ne l’a pas répartie équitablement entre les hommes. Le riche, qui consomme 600 kilogrammes de viande par an, pourra se ressentir de la condition nouvelle faite à la boucherie ; l’immense majorité du peuple, qui ne mange jamais