Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/32

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c’est-à-dire l’autorité de la raison, synonyme au fond de la souveraineté du peuple ? Mais elle pense que les jugements humains, toujours vrais dans ce qu’ils ont d’actuel et d’immédiat, peuvent se compléter et s’éclairer successivement les uns les autres, à mesure de l’acquisition des idées, de manière à mettre toujours d’accord la raison générale avec la spéculation individuelle, et à étendre indéfiniment la sphère de la certitude : ce qui est toujours affirmer l’autorité des jugements humains.

Or, le premier jugement de la raison, le préambule de toute constitution politique, cherchant une sanction et un principe, est nécessairement celui-ci : Il est un Dieu ; ce qui veut dire : la société est gouvernée avec conseil, préméditation, intelligence. Ce jugement, qui exclut le hasard, est donc ce qui fonde la possibilité d’une science sociale ; et toute étude historique et positive des faits sociaux, entreprise dans un but d’amélioration et de progrès, doit supposer avec le peuple l’existence de Dieu, sauf à rendre compte plus tard de ce jugement.

Ainsi, l’histoire des sociétés n’est plus pour nous qu’une longue détermination de l’idée de Dieu, une révélation progressive de la destinée de l’homme. Et tandis que l’ancienne sagesse faisait tout dépendre de la notion arbitraire et fantastique de la divinité, opprimant la raison et la conscience, et arrêtant le mouvement par la terreur d’un maître invisible ; — la nouvelle philosophie, renversant la méthode, brisant l’autorité de Dieu aussi bien que celle de l’homme, et n’acceptant d’autre joug que celui du fait et de l’évidence, fait tout converger vers l’hypothèse théologique, comme vers le dernier de ses problèmes.

L’athéisme humanitaire est donc le dernier terme de l’affranchissement moral et intellectuel de l’homme, par conséquent la dernière phase de la philosophie, servant de passage à la reconstruction ou vérification scientifique de tous les dogmes démolis.

J’ai besoin de l’hypothèse de Dieu, non-seulement, comme je viens de le dire, pour donner un sens à l’histoire, mais