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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/323

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tion même du monopole et de la concurrence. Comment donc le pouvoir prendrait-il la défense de ce que la loi n’a pas prévu, ne définit pas, de ce qui est le contraire des droits reconnus par le législateur ?

Aussi quand le mineur, que nous devons considérer dans les événements de Rive-de-Gier comme le vrai représentant de la société vis-à-vis des exploitants de houille, s’avisa de résister à la hausse des monopoleurs en défendant son salaire, et d’opposer coalition à coalition, le pouvoir fit fusiller le mineur. Et les clabaudeurs politiques d’accuser l’autorité, partiale, disaient-ils, féroce, vendue au monopole, etc. Quant à moi, je déclare que cette façon de juger les actes de l’autorité me semble peu philosophique, et que je la repousse de toutes mes forces. Il est possible qu’on eût pu tuer moins de monde, possible aussi qu’on en eût tué davantage : le fait à remarquer ici n’est pas le nombre des morts et des blessés, c’est la répression des ouvriers. Ceux qui ont critiqué l’autorité auraient fait comme elle, sauf peut-être l’impatience de leurs baïonnettes et la justesse du tir : ils auraient réprimé, dis-je, ils n’eussent pu agir autrement. Et la raison, que l’on voudrait en vain méconnaître, c’est que la concurrence est chose légale ; la société en commandite, chose légale ; l’offre et la demande, chose légale, et toutes les conséquences qui résultent directement de la concurrence, de la commandite et du libre commerce, choses légales : tandis que la grève des ouvriers est illégale. Et ce n’est pas seulement le Code pénal qui dit cela, c’est le système économique, c’est la nécessité de l’ordre établi. Tant que le travail n’est pas souverain, il doit être esclave : la société ne subsiste qu’à ce prix. Que chaque ouvrier individuellement ait la libre disposition de sa personne et de ses bras, cela peut se tolérer[1] ; mais que les ouvriers entreprennent, par des

  1. La nouvelle loi sur les livrets a resserré dans des limites plus étroites l’indépendance des ouvriers. La presse démocratique a fait éclater de nouveau à ce sujet son indignation contre les hommes du pouvoir, comme s’ils eussent fait autre chose qu’appliquer les principes d’autorité et de propriété, qui sont ceux de la démocratie. Ce qu’ont fait les chambres à l’égard des livrets était inévitable, et l’on devait s’y attendre. Il est aussi impossible à une société fondée sur le principe propriétaire de ne pas aboutir à la distinction des castes,