la qualité, le lieu, ni même l’existence ; sans que je sache si je dois l’aliéner, si elle peut tomber dans l’appropriation ! Plaisant usage de la puissance législative !
Je sais que la loi avait d’excellentes raisons pour s’abstenir ; mais je soutiens qu’elle en avait d’aussi bonnes pour intervenir. Preuve :
« On ne peut pas se le dissimuler, dit M. Renouard, on ne peut pas l’empêcher : les brevets sont et seront un instrument de charlatanisme, en même temps qu’une légitime récompense pour le travail et le génie… C’est au bon sens public à faire justice des jongleries. »
Autant vaudrait dire : c’est au bon sens public à distinguer les vrais remèdes d’avec les faux, le vin naturel du vin frelaté ; c’est au bon sens public à distinguer sur une boutonnière la décoration donnée au mérite, d’avec celle prostituée à la médiocrité et à l’intrigue. Pourquoi donc vous appelez-vous l’État, le Pouvoir, l’Autorité, la Police, si la Police doit être faite par le bon sens public ?
« Comme on dit : Qui terre a guerre a ; de même, qui a privilége a procès. »
Eh ! comment jugerez-vous la contrefaçon, si vous n’avez point de garantie ? En vain l’on vous alléguera, en droit la prime-occupation, en fait la similitude. Là où la qualité de la chose en constitue la réalité même, ne pas exiger de garantie, c’est n’octroyer de droit sur rien, c’est s’enlever le moyen de comparer les procédés et de constater la contrefaçon. En matière de procédés industriels, le succès tient à si peu de chose ! Or, ce si peu de chose, c’est tout.
Je conclus de tout cela que la loi sur les brevets d’invention, indispensable dans ses motifs, est impossible, c’est-à-dire illogique, arbitraire, funeste, dans son économie. Sous l’empire de certaines nécessités le législateur a cru, dans l’intérêt général, accorder un privilége pour une chose déterminée ; et il se trouve qu’il a donné un blanc-seing au monopole, qu’il a abandonné les chances qu’avait le public de faire la découverte ou toute autre analogue, qu’il a sacrifié sans compensation les droits des concurrents, et livré sans défense à la cupidité des charlatans la bonne foi des consommateurs. Puis, afin que rien ne manquât à l’absur-