Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/356

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plaisir, renouvelée d’Epicure pendant une éclipse de la raison publique, a été prise pour l’inspiration du génie national : c’est par là qu’on distingue les nouveaux théistes des catholiques, contre lesquels les premiers n’ont tant crié depuis deux ans que par rivalité de fanatisme. C’est la mode aujourd’hui de parler à tout propos de Dieu, et de déclamer contre le pape ; d’invoquer la Providence, et de bafouer l’Église. Grâce à Dieu, nous ne sommes point athées !, disait un jour la Réforme : d’autant plus, pouvait-elle ajouter par surcroît d’inconséquence, que nous ne sommes pas chrétiens. Tout ce qui tient une plume s’est donné le mot pour enbéguiner le peuple ; et le premier article de la foi nouvelle est que Dieu infiniment bon a créé l’homme bon comme lui ; ce qui n’empêche pas l’homme, sous le regard de Dieu, de se rendre méchant dans une société détestable.

Cependant il est sensible, malgré ces semblants, disons même ces velléités de religion, que la querelle engagée entre le socialisme et la tradition chrétienne, entre l’homme et la société, doit finir par une négation de la Divinité. La raison sociale ne se distingue pas pour nous de la Raison absolue, qui n’est autre que Dieu même, et nier la société dans ses phases antérieures, c’est nier la Providence, c’est nier Dieu.

Ainsi donc nous sommes placés entre deux négations, deux affirmations contradictoires : l’une qui, par la voix de l’antiquité tout entière, mettant hors de cause la société et Dieu qu’elle représente, rapporte à l’homme seul le principe du mal ; l’autre qui, protestant au nom de l’homme libre, intelligent et progressif, rejette sur l’infirmité sociale, et par une conséquence nécessaire, sur le génie créateur et inspirateur de la société, toutes les perturbations de l’univers.

Or, comme les anomalies de l’ordre social et l’oppression des libertés individuelles proviennent surtout du jeu des contradictions économiques, nous avons à rechercher, à vue des données que nous avons mises en lumière :

1° Si la fatalité, dont le cercle nous environne, est pour notre liberté tellement impérieuse et nécessitante, que les infractions à la loi, commises sous l’empire des antinomies, cessent de nous être imputables ? Et, en cas de négative, d’où provient cette culpabilité particulière à l’homme.