Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/375

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n’était de sa part qu’un mirage intellectuel : elle ne s’est pas trompée sur l’essentialité et la pérennité du fait. Or, c’est toujours ce fait dont il s’agit de rendre raison, et c’est aussi de ce point de vue que nous allons interpréter le dogme du péché originel.

Tous les peuples ont eu leurs coutumes expiatoires, leurs sacrifices de repentance, leurs institutions répressives et pénales, nées de l’horreur et du regret du péché. Le catholicisme, qui bâtit une théorie partout où la spontanéité sociale avait exprimé une idée ou déposé une espérance, convertit en sacrement la cérémonie à la fois symbolique et effective par laquelle le pécheur exprimait son repentir, demandait à Dieu et aux hommes pardon de sa faute, et se préparait à une meilleure vie. Aussi n’hésité-je point à dire que la Réforme, en rejetant la contrition, ergotant sur le mot metanoïa, attribuant à la foi seule la vertu justificative, déconsacrant la pénitence enfin, fit un pas en arrière, et méconnut complètement la loi de progrès. Nier n’était pas répondre. Les abus de l’Église appelaient sur ce point comme sur tant d’autres, une réforme ; les théories de la pénitence, de la damnation, de la rémission des péchés et de la grâce, contenaient, si j’ose ainsi dire, à l’état latent, tout le système de l’éducation de l’humanité ; il fallait développer, pousser au rationalisme ces théories : Luther ne sut que détruire. La confession auriculaire était une dégradation de la pénitence, une démonstration équivoque substituée à un grand acte d’humilité ; Luther enchérit sur l’hypocrisie papiste, en réduisant la confession primitive, devant Dieu et les hommes (exomologoûmai tô théô… kai humin, adelphoï), à un soliloque. Le sens chrétien fut donc perdu ; et ce n’est que trois siècles plus tard, qu’il fut restauré par la philosophie.

Puis donc que le christianisme, c’est-à-dire l’humanité religieuse, n’a pu se tromper sur la réalité d’un fait essentiel à la nature humaine, fait qu’elle a désigné par les mots de prévarication originelle, interrogeons encore le christianisme, l’humanité, sur le sens de ce fait. Ne nous laissons étonner ni par la métaphore, ni par l’allégorie : la vérité est indépendante des figures. Et d’ailleurs qu’est-ce pour