à devenir si transparents, qu’elle ressemble tout à fait à une histoire naturelle.
Si nous concevons l’opération par laquelle l’être suprême est supposé avoir produit tous les êtres, non plus comme une émanation, une exertion de la force créatrice et de la substance infinie, mais comme une division ou différenciation de cette force substantielle, chaque être organisé ou non organisé nous apparaîtra comme le représentant spécial de l’une des virtualités innombrables de l’être infini, comme une scission de l’absolu ; et la collection de toutes ces individualités (fluides, minéraux, plantes, insectes, poissons, oiseaux et quadrupèdes) sera la création, sera l’univers.
L’homme, abrégé de l’univers, résume et syncrète en sa personne toutes les virtualités de l’être, toutes les scissions de l’absolu ; il est le sommet où ces virtualités, qui n’existent que par leur divergence, se réunissent en faisceau, mais sans se pénétrer ni se confondre. L’homme est donc tout à la fois, par cette aggrégation, esprit et matière, spontanéité et réflexion, mécanisme et vie, ange et brute. Il est calomniateur comme la vipère, sanguinaire comme le tigre, glouton comme le porc, obscène comme le singe ; et dévoué comme le chien, généreux comme le cheval, ouvrier comme l’abeille, monogame comme la colombe, sociable comme le castor et la brebis. Il est de plus homme, c’est-à-dire raisonnable et libre, susceptible d’éducation et de perfectionnement. L’homme jouit d’autant de noms que Jupiter : tous ces noms, il les porte écrits sur son visage ; et, dans le miroir varié de la nature, son infaillible instinct sait les reconnaître. Un serpent est beau à la raison ; c’est la conscience qui le trouve odieux et laid. Les anciens, aussi bien que les modernes, avaient saisi cette constitution de l’homme par agglomération de toutes les virtualités terrestres : les travaux de Gall et de Lavater ne furent, si j’ose ainsi dire, que des essais de désagrégement du syncrétisme humain, et le classement qu’ils firent de nos facultés, un tableau en raccourci de la nature. L’homme enfin, comme le prophète dans la fosse aux lions, est véritablement livré aux bêtes ; et si quelque chose doit signaler à la postérité l’infâme hypocrisie de notre époque, c’est que des savants, des spiritualistes