n’était que la distinction naturelle, mais non pas antithétique, des faits de l’activité d’avec ceux de l’intelligence.
La fatalité est l’ordre absolu, la loi, le code, fatum, de la constitution de l’univers. Mais bien loin que ce code exclue par lui-même l’idée d’un législateur souverain, il la suppose si naturellement, que toute l’antiquité n’a point hésité à l’admettre : et toute la question consiste aujourd’hui à savoir si, comme l’ont cru les fondateurs de religions, dans l’univers le législateur a précédé la loi, c’est-à-dire si l’intelligence est antérieure à la fatalité, ou si, comme le veulent les modernes, c’est la loi qui a précédé le législateur, en d’autres termes, si l’esprit naît de la nature. Avant ou après, cette alternative résume toute la philosophie. Qu’on dispute sur la postériorité ou l’antériorité de l’esprit, à la bonne heure : mais qu’on le nie au nom de la fatalité, c’est une exclusion que rien ne justifie. Il suffit, pour la réfuter, de rappeler le fait même sur lequel elle se fonde, l’existence du mal.
Étant données la matière et l’attraction, le système du monde en est le produit : voilà qui est fatal. Étant données deux idées corrélatives et contradictoires, une composition doit suivre : voilà qui est encore fatal. Ce qui répugne à la fatalité n’est pas la liberté, dont la destination tout au contraire est de procurer, dans une certaine sphère, l’accomplissement de la fatalité : c’est le désordre, c’est tout ce qui entrave l’exécution de la loi. Existe-t-il, oui ou non, du désordre dans le monde ? Les fatalistes ne le nient pas, puisque, par la plus étrange bévue, c’est la présence du mal qui les a rendus fatalistes. Or, je dis que la présence du mal, loin d’attester la fatalité, rompt la fatalité, fait violence au destin, et suppose une cause dont l’essor erroné, mais volontaire, est en discordance avec la loi. Cette cause, je la nomme liberté ; et j’ai prouvé (ch. IV) que la liberté, de même que la raison qui dans l’homme lui sert de flambeau, est d’autant plus grande et plus parfaite qu’elle s’harmonise mieux avec l’ordre de la nature, qui est la fatalité.
Donc, opposer la fatalité au témoignage de la conscience qui se sent libre, et vice versâ, c’est prouver qu’on prend les idées à rebours, et qu’on n’a pas la moindre intelligence de la question. Le progrès de l’humanité peut être défini l’édu-