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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/398

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Que l’homme n’est en conséquence, à son propre jugement, qu’une fausse divinité, puisqu’en posant Dieu il se nie lui-même ; et que l’humanisme est une religion aussi détestable que tous les théismes d’antique origine ;

Que ce phénomène de l’humanité qui se prend pour Dieu ne s’explique pas aux termes de l’humanisme, et réclame une interprétation ultérieure.

Dieu, d’après la conception théologique, n’est pas seulement l’arbitre souverain de l’univers, le roi infaillible et irresponsable des créatures, le type intelligible de l’homme ; il est l’être éternel, immuable, présent partout, infiniment sage, infiniment libre. Or, je dis que ces attributs de Dieu contiennent plus qu’un idéal, plus qu’une élévation, à telle puissance qu’on voudra, des attributs correspondants de l’humanité ; je dis qu’ils en sont la contradiction. Dieu est contradictoire à l’homme, de même que la charité est contradictoire à la justice ; la sainteté, idéal de la perfection, contradictoire à la perfectibilité ; la royauté, idéal de la puissance législative, contradictoire à la loi, etc. En sorte que l’hypothèse divine va renaître de sa résolution dans la réalité humaine, et que le problème d’une existence complète, harmonique et absolue, toujours écarté, revient toujours.

Pour démontrer cette radicale antinomie, il suffit de mettre les faits en regard des définitions.

De tous les faits le plus certain, le plus constant, le plus indubitable, c’est assurément que dans l’homme la connaissance est progressive, méthodique, réfléchie, en un mot expérimentale ; à telle enseigne que toute théorie privée de la sanction de l’expérience, c’est-à-dire de constance et d’enchaînement dans ses représentations, manque par cela même du caractère scientifique. On ne saurait, à cet égard, élever le moindre doute. Les mathématiques même, qualifiées pures, mais assujéties à l’enchaînement des propositions, relèvent par cela même de l’expérience, et reconnaissent sa loi.

La science de l’homme, partant de l’observation acquise, progresse donc et s’avance dans une sphère sans limites. Le terme elle vise, l’idéal qu’elle tend à réaliser, mais sans jamais y pouvoir atteindre, et tout au contraire en le reculant sans cesse, est l’infini, l’absolu.