Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/407

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conscience involontairement suppose ; je sais que mes tendances les plus authentiques m’éloignent chaque jour de la contemplation de cette idée ; que l’athéisme pratique doit être désormais la loi de mon cœur et de ma raison ; que c’est de la fatalité observable que je dois incessamment apprendre la règle de ma conduite ; que tout commandement mystique, tout droit divin qui me serait proposé, doit être par moi repoussé et combattu ; que le retour à Dieu par la religion, la paresse, l’ignorance ou la soumission, est un attentat contre moi-même ; et que si un jour je dois me réconcilier avec Dieu, cette réconciliation, impossible tant que je vis, et dans laquelle j’aurais tout à gagner, rien à perdre, ne se peut accomplir que par ma destruction.

Concluons donc, et inscrivons sur la colonne qui doit servir à nos recherches ultérieures de point de repère :

Le législateur se méfie de l’homme, abrégé de la nature, et syncrétisme de tous les êtres, — Il ne compte pas sur la Providence, faculté inadmissible dans l’esprit infini.

Mais, attentif à la succession des phénomènes, docile aux leçons du destin, il cherche dans la fatalité la loi de l’humanité, la prophétie perpétuelle de son avenir.

Il se souvient aussi, parfois, que si le sentiment de la Divinité faiblit parmi les hommes ; si l’inspiration d’en-haut se retire progressivement pour faire place aux déductions de l’expérience ; s’il y a scission de plus en plus flagrante entre l’homme et Dieu ; si ce progrès, forme et condition de notre vie, échappe aux perceptions d’une intelligence infinie et par conséquent an-historique ; si, pour tout dire, le rappel à la Providence de la part d’un gouvernement est tout à la fois une lâche hypocrisie et une menace à la liberté ; cependant le consentement universel des peuples, manifesté par l’établissement de tant de cultes divers, et la contradiction à jamais insoluble qui atteint l’humanité dans ses idées, ses manifestations et ses tendances, indiquent un rapport secret de notre âme, et par elle de la nature entière, avec l’infini, rapport dont la détermination exprimerait du même coup le sens de l’univers, et la raison de notre existence.


fin du premier volume.