Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/54

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existence, la religion propose les secrets insondables de la Providence, et la philosophie tient en réserve le doute. Des faux-fuyants, toujours ! des idées pleines, où le cœur et l’esprit se reposent, jamais ! Le socialisme crie qu’il est temps de faire voile vers la terre ferme, et d’entrer dans le port ; mais, disent les antisociaux, il n’y a point de port ; l’humanité marche à la garde de Dieu, sous la conduite des prêtres, des philosophes, des orateurs et des économistes, et notre circumnavigation est éternelle.

Ainsi la société se trouve, dès son origine, divisée en deux grands partis : l’un, traditionnel, essentiellement hiérarchique, et qui, selon l’objet qu’il considère, s’appelle tour à tour royauté ou démocratie, philosophie ou religion, en un mot, propriété ; — l’autre qui, ressuscitant à chaque crise de la civilisation, se proclame avant tout anarchique et athée, c’est-à-dire réfractaire à toute autorité divine et humaine, c’est le socialisme.

Or, la critique moderne a démontré que dans un conflit de cette espèce la vérité se trouve, non dans l’exclusion de l’un des contraires, mais bien et seulement dans la conciliation de tous deux ; il est, dis-je, acquis à la science que tout antagonisme, soit dans la nature, soit dans les idées, se résout en un fait plus général, ou en une formule complexe, qui met les opposants d’accord en les absorbant, pour ainsi dire, l’un et l’autre. Ne pourrions-nous donc, hommes de sens commun, en attendant la solution que sans doute l’avenir réalisera, nous préparer à cette grande transition par l’analyse des puissances en lutte, ainsi que de leurs qualités positives et négatives ? Un semblable travail, fait avec exactitude et conscience, si même il ne nous conduisit d’emblée à la solution, aurait du moins l’inappréciable avantage de nous révéler les conditions du problème, et par là de nous tenir en garde contre toute utopie.

Qu’est-ce donc qu’il y a de nécessaire et de vrai dans l’économie politique ? où va-t-elle ? que peut-elle ? que nous veut-elle ? Voilà ce que je me propose de déterminer dans cet ouvrage. — Que vaut le socialisme ? La même investigation nous l’apprendra.

Car, puisqu’en fin de compte le but que poursuivent le