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Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/64

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sans jamais les résoudre ; les économistes ne répondent aux questions qu’ils se posent qu’en racontant de quelle manière ils ont été amenés à les poser ; s’ils concevaient qu’on pût aller au delà, ils cesseraient d’être économistes.

Qu’est-ce, par exemple, que le profit ? c’est ce qui reste à l’entrepreneur après qu’il a payé tous ses frais. Or les frais se composent de journées de travail et de valeurs consommées, ou en définitive de salaires. Quel est donc le salaire d’un ouvrier ? le moins qu’on puisse lui donner, c’est-à-dire on ne sait pas. Quel doit être le prix de la marchandise portée au marché par l’entrepreneur ? le plus grand qu’il pourra obtenir, c’est-à-dire encore, on ne sait pas. Il est même défendu, en économie politique, de supposer que la marchandise et la journée de travail puissent être taxées, bien que l’on convienne qu’elles peuvent être évaluées ; et cela par la raison, disent les économistes, que l’évaluation est une opération essentiellement arbitraire, qui ne peut aboutir jamais à une sûre et certaine conclusion. Comment donc trouver le rapport de deux inconnues qui, d’après l’économie politique, ne peuvent en aucun cas être dégagées ? Ainsi l’économie politique pose des problèmes insolubles ; et pourtant nous verrons bientôt qu’il est inévitable qu’elle les pose, et que notre siècle les résolve. Voilà pourquoi j’ai dit que l’Académie des sciences morales, en mettant au concours le rapport des profits et des salaires, avait parlé sans conscience, avait parlé prophétiquement.

Mais, dira-t-on, n’est-il pas vrai que si le travail est fort demandé et les ouvriers rares, le salaire pourra s’élever pendant que d’un autre côté le profit baissera ? que si, par le flot des concurrences, la production surabonde, il y aura encombrement et vente à perte, par conséquent absence de profit pour l’entrepreneur, et menace de fériation pour l’ouvrier ? qu’alors celui-ci offrira son travail au rabais ? que si une machine est inventée, d’abord elle éteindra les feux de ses rivales ; puis, le monopole établi, l’ouvrier mis dans la dépendance de l’entrepreneur, le profit et le salaire iront en sens inverse l’un de l’autre ? Toutes ces causes, et d’autres encore, ne peuvent-elles être étudiées, appréciées, compensées, etc., etc., etc.