Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/262

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qu’il est indispensable de connaître, et que personne encore n’a su dire.

Enfin, le mariage a fourni l’occasion de distinguer la communauté d’avec l’association, tellement que deux époux, parfaitement unis de cœur et d’intelligence, peuvent être à la fois séparés de biens, communistes quant à l’habitation et au ménage, plus associés pour leur commerce. Que tout cela soit plus ou moins irrégulier ou abusif, ce n’est pas en ce moment ce dont il s’agit : l’important poumons est de bien voir comment la vie sociale oscille entre ses extrêmes, la propriété et la communauté, cherchant, à ce qu’il parait, un troisième terme, aussi éloigné du socialisme que de l’économie politique.

Dans les établissements d’éducation pour les deux sexes, les repas, les heures de travail et de récréation sont communs. Mais, ceci est plus grave que tout ce que nous avons eu déjà l’occasion d’observer, le travail est individuel ; car s’il n’était pas individuel, l’éducation serait nulle.

Tout le monde sait ce qu’était la lecture, c’est-à-dire l’enseignement dans les maisons religieuses. Pour accomplir ce devoir, un seul livre suffisait, un seul lecteur. Dans le système de la révélation, la foi venant par l’ouïe, fides ex auditu, l’intelligence reste passive ; l’instruction est commune au plus haut degré. Le communisme s’exprime alors par le silence. Le supérieur, organe de la pensée d’en-haut, parle ; le néophyte écoule et obéit. La perfection de l’institut religieux est d’inculquer au sujet une doctrine uniforme, de la présenter toujours dans les mêmes termes et avec les mêmes formules, de diriger son esprit, si par hasard il s’y manifestait quelque trouble, de manière à le faire arriver invariablement à la conclusion prévue. C’est cet esprit de discipline communiste que l’on a si niaisement reproché aux jésuites, en cela disciples fidèles de la tradition catholique, et scrupuleux observateurs de la règle essentielle à toute communauté, à toute religion.

Quelle différence dans nos écoles ! Depuis l’école primaire jusqu’à la normale, on ne cesse d’exercer les élèves à travailler seuls. Si parfois on donne à tous la même composition, on exige que chacun la traite à part, et en concurrence ; on s’attache à faire penser le jeune homme par lui-même ; tout en lui enseignant le fonds commun de la science, on exige qu’il se l'approprie ; on excite sa faculté inventive ; on le provoque, pour ainsi dire, à l’égoïsme du génie, à la propriété