Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/263

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des opinions. Et plus son érudition imberbe acquiert de formes originales, personnelles, factieuses, plus on applaudit à ses succès, plus on se félicite d’avoir produit un homme. Les parents et les maîtres se réjouissent de n’avoir pas perdu leurs avances ; et l’on dit de cet élève, dont les idées téméraires bouleverseront peut-être un jour la communauté, qu’il a payé les dépenses de sa jeunesse. Or, que l’éducation, de littéraire et scientifique, devienne encore professionnelle, il est clair qu’avec cette manie de faire des jeunes gens autant d’hommes originaux capables d’initiative et de découverte, on s’éloigne de plus en plus du principe communiste, et qu’au lieu de travailleurs fraternellement unis, nous n’aurons à la fin que des sujets ambitieux et d’indomptables caractères. J’appelle sur cette effrayante question les méditations des penseurs communistes.

A mesure que nous avançons dans cette enquête rapide, nous voyons que les hommes ont mélangé en proportions très-diverses, dans leurs établissements politiques, religieux, industriels, militaires et pédagogiques, les principes de propriété et de communauté. Et tout cela s’est fait spontanément, tantôt par nécessité, tantôt par égoïsme, on dirait môme quelquefois par accident, du moins sans intention appréciable.

Ainsi, les salariés de l’état, recevant leur salaire de la communauté qui prend leurs services, vivent chacun à part, malgré les avantages qu’ils pourraient trouver à se réunir. La vie de ménage, si chère, si onéreuse, est préférée par les improductifs, qui cependant avec leurs traitements fixes auraient plus de facilité pour grouper leurs dépenses que les industrieux, dont le revenu est si précaire, si inégal. Peut-être un jour les salariés de l’état s’entendront-ils pour centraliser leur consommation ; en attendant, il est certain qu’ils répugnent, comme tout le monde, au régime communiste, et qu’ils regardent la vie de famille comme la plus agréable de toutes. Ce peut être l’effet d’un tempérament dépravé et barbare, comme d’un sentiment de dignité et de noblesse : j’admets à cet égard toutes les conjectures, en attendant que je trouve des raisons suffisantes d’émettre un jugement.

L’homme, que nous venons de voir dans la période de son éducation, dans l’accomplissement de ses devoirs civiques et religieux, et dans l’exercice des fonctions publiques, semi-communiste, l’homme devient dans l’industrie, le commerce, l’agriculture, tout à fait propriétaire. Il produit, échange et