Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/135

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tution effective des valeurs ne serait pas plus avancée qu’auparavant.

Qu’aurait-on obtenu, en effet, par cette banque centrale, émettant pour des milliards de billets à rente, gagés sur les propriétés de l’État, et sur tous les immeubles du pays ? On aurait fait un immense cadastre, à la suite duquel les capitaux fonciers et les instruments de travail, évalués en argent, seraient mobilisés, rendus transmissibles, en un mot lancés dans la circulation, sans plus de formalité qu’une pièce d’or. Au lieu de quatre milliards que l’on dit aujourd’hui former l’importance de la circulation en France, cette circulation atteindrait rapidement au chiffre de vingt ou trente milliards ; et il faut ajouter, pour l’honneur des principes, que, par la variété du gage, cet immense matériel de circulation ne se déprécierait pas. On aurait le fantôme de la constitution de la valeur, qui doit rendre toute marchandise acceptable en payement au môme titre que l’or ; mais on n’aurait pas la réalité de cette constitution, puisque les capitaux monétisés, pour entrer dans le commerce, auraient dû subir une réduction préalable, garantie de leur valeur nominale.

Il est donc démontré, ce me semble, que le crédit ne remplit pas le but de l’économie politique, qui est de constituer toutes les valeurs sociales à leur taux naturel et légitime, en déterminant leur proportionnalité. Tout au contraire, le crédit, en dégageant les valeurs mobilières et immobilières, ne fait que déclarer leur subordination au numéraire. Il constate la royauté de celui-ci et la dépendance des autres: au lieu de créer une circulation franche, il établit sur toutes les valeurs un péage, par la déduction qu’il leur fait subir afin de les rendre circulables. En un mot, le crédit dégage le problème des obscurités qui l’environnent, il ne le résout pas.

C’est ce qu’avoue au surplus M. Cieszkowski.

« L’exploitation du crédit et de la circulation, dit-il, c’est l’exploitation des valeurs les plus idéalisées et les plus généralisées d’une nation ; c’est une industrie, si l’on veut; mais une industrie qui opère non sur telle ou telle valeur brute et immédiate, mais sur la quintessence générale de toutes les valeurs, sur un produit sublimé de toutes les richesses effectives, après le dégagement duquel le résidu de la sublimation ne présente presque plus qu’un caput mortuum. »

Voici donc quelle est la manœuvre du crédit. Il commence par généraliser et sublimer (estimant 4 ce qui vaut 6) la richesse, en ramenant à un type unique (l’argent) les va-