Or, en quoi consiste le mécanisme, et quelle est la propriété de l’intérêt ?
C’est de vouloir que dans la société le produit net soit en, excédant du produit brut (voir plus haut chap. VI), de créer continuellement un capital fictif, une richesse nominale, une dépense non précédée de recette, un actif introuvable ; c’est, en un mot, de supposer l’impossible, et comme conséquence, de faire affluer sans cesse la richesse des mains de ceux qui produisent, et qui, d’après la fiction, reçoivent crédit, aux mains de ceux qui ne produisent pas, mais qui, d’après la même fiction, donnent crédit : ce qui est trois ou quatre fois contradictoire.
Le capitaliste donc, qui dispose des valeurs métalliques, les seules constituées, les seules acceptables en tout échange, le capitaliste, dis-je, voulant venir en aide au travailleur, favoriser le commerce et la production, contribuer, autant qu’il est en lui, à la fortune publique, prend en gage les titres de propriété de ses clients, et leur remet soit de l’argent, soit des lettres de change sur lui-même, ce qui double ses bénéfices : le tout moyennant intérêt, ce qui fait sans cesse revenir à la banque le même numéraire qui a été prêté, sans qu’il cesse pour cela d’être dû. Et comme les sommes prêtées, revenues par l’usure, sont continuellement reprêtées, il arrive bientôt que le sol, les maisons et tout le mobilier national, se trouvent engagés ou hypothéqués au profit des banquiers. Ce mouvement aliénatoire est d’une rapidité si grandiose, qu’on ne peut le comparer qu’à celui des corps célestes. Le docteur Price avait calculé qu’un décime, placé à intérêt composé depuis l’ère chrétienne jusqu’en 1772, aurait produit plus d’or que ne pourraient en contenir 150 millions de globes, tous de la grandeur de la terre.
L’argent, toujours ressaisi aussitôt que prêté, et par conséquent toujours redemandé avec plus d’instance, vient-il à faire défaut ? — Le banquier émet ses billets de confiance, sa monnaie de papier, laquelle, malgré de petits accidents et quelques mécomptes, ne tarde pas à lui rentrer, aussi bien que le numéraire, et toujours avec accroissement de demandes.
Le papier de banque, assisté de l’hypothèque, ne suffit-il plus ? On crée des billets à rentes ; on met en circulation tout ce qui reste de capitaux ; on invente de nouvelles combinaisons d’amortissement ; on diminue le prix du prêt, les frais de contrat ; on allonge les termes… Mais comme en dé-