Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/139

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nent en permanence renouveler et mettre en pratique ce qu’on a vu en quarante-huit heures dans les états de l’Amérique, la faillite de cent banques à la fois, celle du gouvernement, et par suite, ce qui a manqué au spectacle, celle de tous les citoyens en un jour ? Sujet féerique de rêve pour les bagnes, espèce de loi agraire d’un nouveau genre ! »

Comment en douter encore ? Sous le régime du monopole l’organisation du crédit est la mise en loterie de l’organe social ; c’est le va-tout des nations, incessamment perdu, incessamment ressaisi par la banqueroute. Tandis que la différence du produit brut et du produit net dans la société, seule vraie cause du paupérisme, passe inaperçue, masquée par le fracas de la science et le changement des décors ; tandis que le progrès de la mécanique industrielle, les luttes de la concurrence, la formation de grandes compagnies, les agitations parlementaires, les questions d’enseignement, d’impôt, de colonisation, de politique extérieure, absorbent l’attention publique et la distraient de ses grands intérêts : le crédit se prépare par la généralisation des valeurs, par leur dégagement et leur affluence à un entrepôt unique, à dévoiler ce système de misère, et à nous démontrer l’impossibilité mathématique de notre ordre social.

L’économie politique, en dirigeant le mouvement social dans le sens de la constitution des valeurs, aspire à résoudre sur la société le problème du mouvement perpétuel, problème que les mécaniciens et les économistes, d’un commun accord, déclarent insoluble, parce qu’ils ne possèdent pas les données de la solution. Le mouvement peut être perpétuel, mais à une condition : c’est d’être spontané, produit par une force intime, non par une force extérieure à la machine. Ainsi dans l’univers il y a perpétuité de mouvement parce que le mouvement y résulte d’une force intime à la matière, l’attraction ; ainsi la vie est perpétuelle dans l’animal, parce qu’elle résulte d’une force intime à l’organisme, créatrice de l’organisme, et capable, dans une certaine mesure, d’en subjuguer les éléments. Et comme il est de la nature de la vie d’accroître, par l’organisation, cela même qui lui fait obstacle, il vient un moment où la vie succombe sous l’attraction moléculaire, une spontanéité sous une autre spontanéité : mais la vie, en elle-même, aussi bien que l’attraction, est perpétuelle.

Telle est aussi la force qui anime et développe la société, force spontanée, impérissable, et dont nos contradictions ne