Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/14

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qu’il trouve. Tout citoyen est donc fondé à dire à son gouvernement : Ou livrez-moi le sel, le tabac, la viande, le sucre, au prix que je vous offre, ou laissez-moi ailleurs faire ma provision. Pourquoi serais-je contraint de soutenir par la prime que vous me forcez de leur payer, des industries qui me ruinent, des exploiteurs qui me volent ? Chacun dans son monopole, chacun pour son monopole ; et la liberté du commerce pour tout le monde !

Dans un système démocratique, la douane, institution d’origine seigneuriale et régalienne, est donc chose odieuse et contradictoire. Ou la liberté, l’égalité, la propriété sont des mots, et la Charte un papier inutile ; ou bien la douane est une violation permanente des droits de l’homme et du citoyen. Aussi, au bruit de l’agitation anglaise, les feuilles démocratiques de France ont-elles généralement pris parti pour le principe abolitionniste. Liberté ! à ce nom la démocratie, comme le taureau devant qui on agite un drapeau rouge, entre en fureur.

Mais la raison économique par excellence de la liberté du commerce, est celle qui se déduit de l’accroissement de la richesse collective et de l’augmentation du bien-être pour chaque particulier, par le seul fait des échanges de nation à nation.

Que la société, que le travailleur collectif ait avantage à échanger ses produits, on ne peut le mettre en doute, puisque par cet échange la consommation étant plus variée, est par conséquent meilleure. Que d’autre part les citoyens indépendants et insolidaires d’après la constitution du travail et le pacte politique, aient tous individuellement le droit de profiter des offres de l’industrie étrangère, et d’y chercher des garanties contre leurs monopoles respectifs, cela n’est pas davantage susceptible de contestation ; jusque-là on n’aperçoit qu’un échange de valeurs, on ne voit pas qu’il y ait augmentation. Pour le découvrir, il faut considérer la chose sous un autre aspect.

On peut définir l’échange : Une application de la loi de division à la consommation des produits. Comme la division du travail est le grand ressort de la production et de la multiplication des valeurs, de même la division de la consommation, par le moyen de l’échange, est l’instrument d’absorption le plus énergique de ces mêmes valeurs. En un mot, diviser la consommation par la variété des produits et par l’échange, c’est augmenter la puissance de consommer ;