Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/144

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chef de l’état qui reçoit 12 millions de liste civile, soient portés sur la liste des créanciers de l’état, sur le grand livre de la rente ? A l’iniquité du salaire, vous n’aurez fait qu’ajouter l’iniquité du revenu : ce sera comme dans le projet de participation de M. Blanqui (chap. III), où les associés participants peuvent recevoir en sus de leur solde, et à titre de bénéfice, une part quotidienne de 18 centimes. Il faut donc revenirà l’observation générale que nous avons d’abord faite : pour que le crédit puisse devenir un vrai moyen d’équilibre, il faut que l’équilibre soit préalablement établi dans l’atelier, sur le marché, dans l’état ; il faut, en un mot, que le travail soit organisé. Or cette organisation n’existe pas, bien plus, on la repousse : donc il n’y a rien à espérer du crédit.

Pour mettre cette contradiction dans tout son jour, examinons quelques cas particuliers du crédit, de ceux-là surtout qui sont nés de la charité plutôt que de l’intérêt. Car, comme nous aurons occasion de le remarquer, la charité est de la famille du crédit, elle est une des formes du crédit, et, dès qu’elle sort de sa spontanéité mystique pour se laisser guider par la raison, elle est soumise à toutes les lois du crédit.

Je commence par les crèches.

Loin de moi la pensée de calomnier ces fondations vraiment pieuses, placées sous l’invocation de Jésus enfant, que la ville de Paris doit au zèle aussi actif qu’éclairé de l’un de ses plus honorables citoyens, M. Marbeau. Le principe de la misère est exclusivement social, c’est le crime de tout le monde. Mais les œuvres de la charité sont personnelles et gratuites ; et je serais impardonnable si je méconnaissais la vertu de tant d’hommes de bien, dont la vie se passe à procurer l’émancipation physique et morale des classes pauvres.

Qu’on me pardonne donc l’analyse à laquelle je suis forcé de descendre dans ce livre où rien ne devait être épargné, et qu’on ne juge pas de la dureté de mon cœur par l’inflexibilité de ma raison. Mes sentiments, j’ose le dire, ont toujours été ce qu’amis et ennemis pouvaient désirer qu’ils fussent : quant à mes écrits, si sombres qu’ils paraissent, ils ne sont après tout que l’expression de mes sympathies pour tout ce qui est homme, et qui vient de l’homme.

Voici ce que je lis dans un petit imprimé de quatre pages, répandu dans le public pour la propagation des crèches.