Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/152

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de repos. À Lyon, quelques ouvriers en soie, ayant à domicile plusieurs métiers, peuvent se faire par leur travail personnel et celui des ouvriers qu’ils occupent, jusqu’à 5 et 6 fr. de revenu. La multitude ne dépasse pas, en moyenne, les hommes 2 fr., les femmes 1 fr. Je m’arrête à ces deux professions. Qu’on me dise ce que peut être à Paris l’existence d’un adulte gagnant moins de 3 fr. par jour, et à Lyon celle d’un ouvrier ayant un salaire variable de 1 à 2 fr. ? On s’étonne que ce monde-là ne fasse point d’économies, d’autant plus qu’il ne figure pas sur les listes d’indigents : mais, à vrai dire, ces hommes ne sont-ils pas encore plus à plaindre que ceux qui, ayant résolument franchi le pas, reçoivent leur lopin de la charité officielle ?

C’est le cas, direz-vous, de redoubler d’activité, d’économie, d’intelligence ; c’est le cas de profiter des caisses d’épargne et autres institutions de prévoyance, établies précisément pour les ouvriers les moins payés. — La caisse d’épargne est la banque du dépôt du pauvre, et ce fut une heureuse idée que celle de faire débuter les pauvres dans la carrière du bien-être, comme ont débuté toutes les banques.

Ainsi la caisse d’épargne n’est qu’une déclaration officielle, une sorte de recensement du paupérisme, et l’on veut qu’elle serve de moyen curatif au paupérisme ! La caisse d’épargne est sans entrailles pour ceux qui n’ont rien à lui donner, et c’est justement pour eux qu’elle est faite ! Je ne m’étonne plus que des moralistes aient le courage d’exiger du prolétaire l’intelligence, l’activité et toutes les vertus morales, après avoir eux-mêmes travaillé quarante ans à devenir si bêtes ! Passons.

Les effets subversifs de la caisse d’épargne sont de deux sortes : relativement à la société, et relativement aux individus.

En ce qui regarde la société, la caisse d’épargne, reposant sur la fiction de la productivité du capital, est la démonstration la plus claire des effets désastreux de cette fiction. Quand les dépôts de toutes les caisses d’épargne se monteront à un milliard, cela fera, à 3 1/2 p. 100, 35 millions d’impôt à ajouter au budget et à répartir sur les contribuables. Or, qui payera cet impôt ? la nation : c’est-à-dire, la classe la plus pauvre, celle qui n’a rien à la caisse d’épargne, pour la plus grande part ; la classe économe, à qui l’intérêt sera dû, pour une part moindre, et la classe riche pour une part minime. Ainsi la caisse d’épargne a pour point de départ une spoliation, puisque, sans cette spoliation, la caisse d’é-