Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/182

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des deux pôles d’un petit monde, abstraction faite des points milieux et des mouvements intérieurs. La série embrasse toutes les formes possibles de classification des idées, elle est unité et variété, vraie expression de la nature, par conséquent forme suprême de la raison. Rien ne devient intelligible à l’esprit que ce qui peut être rapporté à une série, ou distribué en série ; et toute créature, tout phénomène, tout prince qui nous apparaît comme isolé, reste pour nous inintelligible. Malgré le témoignage des sens, malgré la certitude du fait, la raison le repousse et le nie, jusqu’à ce qu’elle en ait retrouvé les antécédents, les conséquents et les corollaires, c’est-à-dire la série, la famille.

Pour rendre tout ceci plus sensible, faisons-en l’application à la question même qui fait l’objet de ce chapitre, la propriété.

La propriété est inintelligible hors de la série économique, avons-nous dit dans le sommaire de ce paragraphe. Cela signifie que la propriété ne se comprend et ne s’explique, d’une manière suffisante, ni par des à priori quelconques, moraux, métaphysiques, ou psycologiques (formule du syllogisme) ; ni par des à posteriori législatifs ou historiques (formule de l’induction) ; ni même par l’exposé de sa nature contradictoire, ainsi que je l’ai fait dans mon Mémoire sur la propriété (formule de l’antinomie). Il faut reconnaître dans quel ordre de manifestations, analogues, similaires ou adéquates, se range la propriété ; il faut, en un mot, en retrouver la série. Car tout ce qui s’isole, tout ce qui ne s’affirme qu’en soi, par soi et pour soi, ne jouit pas d’une existence suffisante, ne réunit pas toutes les conditions d’intelligibilité et de durée : il faut encore l’existence dans le tout, par le tout et pour le tout ; il faut, en un mot, aux rapports internes unir des rapports externes.

Qu’est-ce que la propriété ? d’où vient la propriété ? que veut la propriété ? Voilà le problème qui intéresse au plus haut degré la philosophie ; le problème logique par excellence, le problème de la solution duquel dépendent l’homme, la société, le monde. Car le problème de la propriété, c’est sous une autre forme le problème de la certitude : la propriété, c’est l’homme ; la propriété, c’est Dieu ; la propriété c’est tout.

Or, à cette question formidable, que les légistes répondent, en balbutiant leurs à priori : La propriété est le droit d’user et d’abuser, droit qui résulte d’un acte de la volonté manifesté par l’occupation et l’appropriation ; il est clair