Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/232

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vous tombez dans la communauté, dans le néant.......

La contradiction propriétaire ne finit pas pour l’homme au testament, elle passe à la succession. La mort saisit le vif, dit la loi ; ainsi la funeste influence de la propriété passe du testateur à l’héritier.

Un père de famille laisse en mourant sept fils, élevés par lui dans l’antique manoir. Comment s’opérera la transmission de ses biens ? Deux systèmes se présentent, essayés tour à tour, corrigés, modifiés, mais toujours sans succès. La redoutable énigme est encore à résoudre.

Sous le droit d’aînesse, la propriété est dévolue à l’aîné : les six autres frères reçoivent un trousseau, et sont expulsés du domaine paternel. Le père mort, ils sont étrangers sur la terre, sans avoir et sans crédit. De l’aisance ils passent sans transition à la pauvreté : enfants, ils avaient dans leur père un nourricier ; frères, ils ne peuvent voir dans leur aîné qu’un ennemi… Tout a été dit contre le droit d’aînesse : voyons le revers du système.

Avec l’égalité de partage, tous les enfants sont appelés à la conservation du patrimoine, à la perpétuité de la famille. Mais comment posséder à sept ce qui ne suffit que pour un ? La licitation a lieu, la famille héritière est dépossédée. C’est un étranger qui, moyennant espèces, se trouve héritier. Au lieu de patrimoine, chacun des enfants reçoit de l’argent, quatre-vingt-dix-neuf chances contre une de n’avoir bientôt plus rien. Tant que le père vécut, il y avait une famille ; à présent, il n’y a plus que des aventuriers. Le droit d’aînesse assurait du moins la perpétuité du nom : c’était pour le vieillard une garantie que le monument fondé par ses pères et conservé par ses mains resterait dans sa race. L’égalité de partage a détruit le temple de la famille ; il n’y a plus de dieux pénates. Avec la propriété sédentaire, les civilisés ont trouvé le secret de vivre en nomades : à quoi donc a servi l’hérédité ?

Supposons qu’au lieu de vendre la succession, les héritiers la divisent. La terre est morcelée, tronquée, échancrée. On plante des bornes, on creuse des fossés, on se barricade, on fait un semis de procès et de haines. La propriété coupée par morceaux, l’unité est rompue : quelque part que l’on regarde, la propriété aboutit à la négation de la société, à la négation de sa fin.

Ainsi la propriété, qui devait consommer l’union sainte de l’homme et de la nature, n’aboutit qu’à une infâme pros-