Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/257

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mais. Il n’y a point d’heure marquée pour lui ; il est condamné à un perpétuel ajournement. Je vous félicite, mon cher Villegardelle, de cette heureuse découverte.

Vous dites encore, et avec infiniment de raison, à mon avis, que le public rattache toutes les branches du socialisme à l’antique tronc de la communauté. C’est pour cela que vous-même, après avoir examiné d’abord l’utopie de Saint-Simon, plus tard celle de Fourier, trouvant que ces gens-là ou n’étaient pas de bonne foi, ou s’arrêtaient à moitié chemin, vous vous êtes fait communiste. Contre quoi, en effet, se sont élevés de tout temps les réformateurs ? contre la propriété. Or, la négation de la propriété, c’est le communisme. Le plus pauvre icarien peut, comme un Aristote, arriver à cette conséquence, et votre profession de foi actuelle dépend tout entière de la fatalité de ce raisonnement.

Pourquoi donc, pensez-vous sans doute, pourquoi moi, qui proteste si haut contre la propriété, n’imité-je pas votre exemple ? Et comment, malgré la négation la plus décidée, me trouvé-je encore le moins avancé des socialistes modernes, qui tous sont moins avancés que les anciens ? Démolir la propriété, c’était beau, sublime : mais repousser ensuite, au nom de je ne sais quelle métaphysique, la communauté, se pouvait-il rien de plus inconséquent ? Depuis six ans je persiste dans cette déclaration ambiguë : qu’ai-je à répondre au socialisme déconcerté et méfiant ?

Je vous rends grâce, mon cher Villegardelle, d’avoir reconnu hautement mon insolidarité vis-à-vis du communisme. Ma justification en deviendra plus facile, d’autant mieux que j’en trouve tous les éléments dans vos ouvrages. C’est vous-même qui le dites : Le socialisme, ou la communauté, déchoit d’une manière continue, déchoit parce qu’il est utopie, c’est-à-dire néant. Le socialisme s’en va à mesure que la société vient, qu’elle affirme et réalise ses idées intimes, et prend position dans l’expérience ; de même que la propriété se modifie à mesure que le législateur découvre les lois du juste, et que la pure essence de l’humanité se manifeste. Voilà ce que le socialisme et l’économie politique ont constaté tour à tour, et que nous acceptons, vous et moi, de l’un comme de l’autre.

Je suis donc communiste, ainsi que vous, mon cher Villegardelle, mais seulement par hypothèse, et tant que je nie la propriété. La propriété abattue, il s’agit de vérifier l’hypothèse communiste. Trouvant alors que le communisme est,