Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sionne ; donc l’état peut aussi exercer l’agriculture et l’industrie, nourrir et pensionner tous les travailleurs. Le socialisme, plus ignorant mille fois que l’économie politique, n’a pas vu qu’en faisant rentrer dans l’état les autres catégories du travail, par cela seul il changeait les producteurs en improductifs ; il n’a pas compris que les services publics, précisément parce qu’ils sont publics, ou exécutés par l’état, coûtent fort au delà de ce qu’ils valent ; que la tendance de la société doit être d’en diminuer incessamment le nombre ; et que bien loin de subordonner la liberté individuelle à l’état, c’est l’état, la communauté, qu’il faut soumettre à la liberté individuelle.

Le socialisme a procédé de même dans tous ses plagiats. La famille lui offrait le type d’une communauté fondée sur l’amour et le dévouement : aussitôt il s’est hâté de transporter la famille, comme l’industrie et l’agriculture, dans l’état ; et la distinction des familles a fait place à la communauté de famille, comme la distinction des monopoles avait fait place à la communauté du monopole.

Qu’y avait-il dans la famille, avant que le socialisme l’eût absorbée dans l’indivision ? Il y avait le mariage, l’union de l’homme avec lui-même par la séparation des sexes, la société dans la solitude, un dialogue dans un monologue. C’était la consommation de la personnalité humaine. Le socialisme n’a vu là-dedans qu’une dérogation à son principe : s’autorisant de la lasciveté des sauvages et de la fréquence des adultères dans une civilisation en crise, il a remédié à tout en supprimant le mariage, et remplaçant l’inviolabilité de l’amour par la licence des accouplements.

La personnalité de l’homme ainsi réprimée dans l’amour et dans le travail, la route semblait facile à l’organisation du travail et à la répartition des produits.

Organiser, distribuer le travail, quoi de plus facile ? Sans doute la division du travail est anticommuniste, en ce qu’elle approprie, à un degré si faible qu’on voudra, les fonctions a des groupes, et dans les groupes à des individus. Sans doute encore la communauté serait plus parfaite, si elle pouvait éviter une pareille distribution. Mais cet inconvénient de l’appropriation du travail disparaîtra dans la désappropriation des produits. Nul ne pouvant s’attribuer exclusivement la possession des instruments de travail, ni les produits du travail, ni leur circulation, ni leur distribution, la communauté reste intacte, et tous les soins du gouverne-