Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/295

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la commuinauté. Pour rendre insolidaires l’activité et l’inertie, créer la responsabilité individuelle, sanction suprême de la loi sociale, fonder la modestie des mœurs, le zèle du bien public, la soumission au devoir, l’estime et la confiance réciproque, l’amour désintéressé du prochain, pour assurer toutes ces choses, le dirai-je ? l’argent, cet infâme argent, symbole de l’inégalité et de la conquête, est un instrument cent fois plus efficace, plus incorruptible et plus sûr que toutes les préparations et les drogues communistes.

Les déclamateurs ont parlé de la monnaie, comme le fabuliste parlait de la langue : ils lui ont attribué en même temps tous les biens et tous les maux de la société. C’est l’argent, ont dit les uns, qui bâtit les villes, qui gagne les batailles, qui fait le commerce, qui encourage les talents, qui rémunère le travail, et qui règle les comptes de la société. C’est l’argent, la rage de l’argent, auri sacra fames, ont répliqué les autres, qui est le ferment de tous nos vices, le principe de toutes nos trahisons, le secret de toutes nos bassesses. Si cet éloge et ce blâme étaient vrais, l’invention de la monnaie, la plus étonnante selon M. de Sismondi, la plus heureuse dans mon opinion, qu’ait faite le génie économique, présenterait à l’analyse une contradiction ; elle devrait en conséquence être rejetée et remplacée par une conception supérieure, plus morale et plus vraie. Mais il n’en est rien : les métaux précieux, le numéraire et les papiers de banque ne sont par eux-mêmes cause ni de bien ni de mal ; la véritable cause est dans l’incertitude de la valeur, dont la constitution nous apparaît symboliquement dans la monnaie comme la réalisation de l’ordre et du bien-être, et dont l’oscillation irrégulière, dans les autres produits, est le principe de toute spoliation et de toute misère.

L’argent, la première valeur socialement déterminée, se montre donc, jusqu’au jour de la constitution générale des valeurs, de laquelle doit naître pour tout travailleur la garantie parfaite du travail et du salaire, comme l’organe le plus parlait de la solidarité du bien et de l’insolidarité du mal, en autres termes, de la responsabilité individuelle et de la justice.

Vous voulez que je prenne confiance dans le travail, la diligence, la délicatesse de mes frères. Pas n’est besoin d’organiser une poilce, de créer un espionnage mutuel, d’ailleurs injurieux, impossible. Faites que pour chacun de nous le bien-être résulte exclusivement du travail, de telle sorte que