Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/337

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ligue pour appliquer à l’univers ce système d’anarchie, d’escroquerie et de rapine ? toujours les économistes.

Et c’est vous qui, prenant le langage de la modération et de la paix, osez écrire :

« Ne dirait-on pas que les écoles les plus opposées conspirent pour égarer les travailleurs ? Les unes les irritent, en leur ôtant tout l’espoir d’un meilleur avenir ; les autres les excitent au désordre par de séduisantes et perfides théories. Enfin, il est des hommes qui, à la fois plus humains et plus sages, ne parlent aux travailleurs ni de droits chimériques, ni d’une nécessité fatale : ces hommes n’osent pas ou ne savent pas leur dire la vérité tout entière ! »

Dites-la donc, une fois, cette vérité : qu’elle sorte, pure et entière, de votre bouche.

« Oui, les salaires peuvent dépasser le strict nécessaire ; oui, les économies sont possibles au travailleur. S’il souffre dans quelques districts manufacturiers, il en est d’autres où il vit dans une honnête aisance… D’où vient la différence ? de deux causes essentielles, principales, de causes plus fortes que toutes les plaintes des neo-économistes et des soi-disant philanthropes. La différence vient de la conduite des ouvriers, et du rapport de la population avec le capital circulant. »

M. Rossi, je vous le dis en vérité, le cœur vous faut : vous n’êtes ni plus prudent ni plus hardi que les autres ; vous taisez la véritable cause.

On égare les ouvriers ! Cela ressemble aux factions de M. Guizot. Instruisez-nous, hommes de science, et nous ne serons point égarés ; mais prenez garde de ne rien dire que de vrai, parce que vos réticences retomberaient sur vos têtes.

La conduite de l’ouvrier est mauvaise ! C’est possible, et cela vient peut-être de ce qu’on ne lui rend pas justice. Et de vrai, il s’agit de la mesure de son salaire, et l’on nous parle de sa conduite ! Dites donc enfin, maître, ce que valent quatorze heures de travail par jour ? Et si vous craignez de faire erreur sur le travail de l’ouvrier, dites, la main sur le cœur, combien vous estimez le vôtre ? Nous prendrons votre chiffre pour étalon.

Le capital circulant n’est pas en rapport avec la population ! C’est vrai : la propriété empêche que le capital ne circule. Comment circulerait-il en effet, si le consommateur est obligé de payer cinq ce qu’il a lui-même livré pour quatre ?…