Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Principe de population devait abolir, et dont au contraire il provoqua la recrudescence.

Par une transition inévitable, et que tout autre que Malthus aurait prévue, la contrainte morale n’a pas tardé à devenir, sous la plume et dans l’intention des malthusiens les plus décidés, une contrainte purement physique, très-peu onéreuse au plaisir, et qui ne pourrait tout au plus causer d’ennui qu’à la pudeur. « Il n’est pas prouvé, dit à ce propos le dernier éditeur de Malthus, que cette variété d’abstinence qui prévient la misère (lisez la population), sans méconnaître les lois de la physiologie (lisez du plaisir), soit immorale. » C’est en ce sens que le public, qui en fait d’amour ne subtilise pas, a entendu la théorie de Malthus, bien que l’honorable écrivain ait toujours protesté contre cette interprétation de sa doctrine.

En effet, pouvait-on lui dire, qu’est-ce que la morale ? qu’est-ce que l’immoralité ? Comment ce qui est moral dans la solitude serait-il immoral dans un baiser ? L’homme est un, bien que la langue des philosophes ait fait de lui une double abstraction, le corps et l’âme. Qu’il s’abstienne donc, mentalement ou physiquement, de procréer, qu’importe pourvu qu’il y ait abstinence, pourvu surtout que l’abstinence ait lieu à temps ? Quoi que vous fassiez, le moral est toujours dans le physique, le physique toujours dans le moral : une seule chose dans tout ceci est essentielle, c’est de ne pas faire d’enfants. Turbaris ergà plurima ; porro unum est necessarium !

Contrainte morale, contrainte physique : voilà donc, sur les causes du paupérisme et sur ses remèdes, tout ce qu’a su nous dire, au xixe siècle, et la science des économistes, et la morale des éclectiques, et la philosophie de ces pudiques universitaires, dont le nom seul de Loyola fait murmurer la religion et rougir la vertu ! Après avoir bafoué le célibat des prêtres et la virginité chrétienne, les accusant d’outrage à la nature et à la morale, ces hypocrites, qui n’osent plus ni encourager le mariage, ni recommander la continence, prêchent aux amants, aux époux, la contrainte morale ! Et puis ils déclament contre les jésuites ! Cachez-vous, Sanchez, Lémos, Escobar, Busenbaüm, et toi, bienheureux Liguori, qui ne connûtes le vice que pour le réprimer et le punir : l’économie politique vous efface tous ! Autrefois, nos prères chrétiens déposaient dans leurs demeures des branches bénies, invoquaient devant les saintes images la miséricorde du Très-Haut contre l’incendie, la grêle, la disette et la mor-