Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/365

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et non procedes ampliùs, et hic confringes tumentes fluctus tuos

Ce qui rend plus sensible encore l’aggravation du travail, et qui ne fait même, à un autre point de vue, que la reproduire, ce sont les exigences multipliées de l’éducation. De même que production et consommation sont deux termes identiques et adéquats ; de même l’éducation peut être considérée comme l’apprentissage du travail et comme l’apprentissage du bien-être. La faculté de jouir a besoin, comme celle de produire, de science et d’exercice ; elle n’est même, à en bien juger, que la faculté de produire, et l’on peut juger du talent d’un homme et de la variété de ses connaissances par le nombre et la nature de ses besoins. Pour être à la hauteur de la vie, dans la société moderne, il faut un immense développement scientifique, esthétique et industriel ; à telle enseigne que, pour jouir, l’improductif a besoin de travailler presque autant que le producteur pour produire. Vingt-cinq ans ne suffisent plus à l’éducation du privilégié : que sera-ce donc quand ce privilégié sera redevenu travailleur ?

De toutes les classes de producteurs, la moins laborieuse aujourd’hui est la classe agricole. C’est aussi celle qui arrivera la dernière à l’égalité. Partout ailleurs, dans le commerce et l’industrie, le travail est arrivé au point de ne pouvoir supporter la moindre aggravation. Mais ici en revanche j’ose dire que l’égalité est imminente, puisqu’elle existe, à quelques décimales près, entre les travailleurs, et que les seuls individus qui fassent exception, maîtres, capitalistes, entrepreneurs, la partie aristocratique en un mot, n’excède pas 5 pour 100. L’abaissement de ces hautes têtes ne saurait être une difficulté pour personne.

De toute part s’élève une plainte immense, lugubre, contre l’excès du travail ; de toute part l’ouvrier se met en grève pour la hausse du salaire et la réduction des heures de journée : chose pardonnable à l’ouvrier, qui lui ne soutient point de thèse, et ne fait que protester par la force d’inertie contre l’abrutissement et la misère ; mais chose déplorable chez les économistes philanthropes, qui, tout en prêchant la nécessité du travail, entretiennent par leurs sottes condoléances le dégoût du travail, et semblent dire à l’ouvrier qu’ils devraient pousser en avant : Assez !

Eh ! comment remédier à la misère, si nous ne pouvons produire davantage ? Comment poursuivre cette œuvre pé-