dans le cercle fatal de vos contradictions ! Vous nous promettez que le travail échangera le travail ; et il se trouve à l’échange que c’est le monopole qui s’est échangé contre le monopole, et que Brennus, l’ennemi du travail, a jeté furtivement son épée dans la balance !
La confusion du vrai et du réel, du droit et du fait ; l’embarras perpétuel où jette les meilleurs esprits l’antagonisme de la tradition et du progrès, semblent avoir ôté à M. Bastiat jusqu’à l’intelligence des choses de la pratique la plus vulgaire. Voici un fait qu’il rapporte, en preuve de sa thèse.
« Autrefois, disait un manufacturier à la chambre de Commerce de Manchester, nous exportions des étoffes ; puis cette exportation a fait place à celle des fils, qui sont la matière première des étoffes ; ensuite à celle des machines, qui sont les instruments de production du fil ; plus tard, à celle des capitaux, avec lesquels nous construisons nos machines, et enfin à celle de nos ouvriers et de notre génie industriel, qui sont la source de nos capitaux. Tous ces éléments de travail ont été, les uns après les autres, s’exercer là où ils trouvaient à le faire avec plus d’avantage, là où l’existence est moins chère, la vie plus facile : et l’on peut voir aujourd’hui en Prusse, en Autriche, en Saxe, en Suisse, en Italie, d’immenses manufactures fondées avec des capitaux anglais, servies par des ouvriers anglais, et dirigées par des ingénieurs anglais. »
Ne voilà-t-il pas une merveilleuse justification du libre commerce ! La Prusse, l’Autriche, la Saxe, l’Italie, défendues par leurs douanes et limitées dans leurs achats par la médiocrité de leur richesse métallique, n’admettaient les produits anglais que sous bénéfice d’escompte, n’en prenaient que ce qu’elles pouvaient payer. Les capitaux anglais, entravés et impatients, sortent de leur pays, vont se naturaliser dans ces contrées inaccessibles, se faire autrichiens, prussiens, saxons, corriger, par leur émigration, l’injustice du sort. Là, sous la protection des mêmes douanes qui auparavant les tenaient à distance, et qui maintenant les protègent, secondés par le travail des indigènes dont leurs possesseurs ne se distinguent plus, ils s’emparent du marché, font concurrence à la mère patrie, refoulent successivement tous ses produits, d’abord les étoffes, puis les fils, puis les machines, puis, ce qui était surtout dangereux, les prêts usuraires ; et dans cette opération de nivellement des conditions du travail, dans ce fait qui accuse si hautement la né-