Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/46

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fiteront ; il n’y aura pas de souffrance partielle ; le travail national augmentera, et vous pourrez courir l’étranger. C’est avec cette raison d’enfant que M. Blanqui, à la suite d’une brillante polémique, réduisit au silence M. Émile de Girardin, le seul de nos journalistes qui ait essayé de défendre le principe de la nationalité du travail.

Sans doute, si tous les industriels d’un pays pouvaient se procurer à meilleur marché les matières premières, rien ne serait changé à leur condition respective : mais en quoi cela touche-t-il la difficulté ? Il s’agit de l’équilibre des nations, non de l’équilibre, dans chaque nation, des industries privées. Or, je reprends l’observation faite plus haut : cette baisse générale, cet avantage d’avoir pour une valeur égale à deux journées de travail ce qui auparavant nous en coûtait trois, à quoi le devrons-nous ? Sera-ce à nos propres efforts, ou bien à l’importation ? La réponse n’est pas douteuse : ce sera à l’importation. Or, si la cause première du bon marché part du dehors, comment, en ajoutant notre travail, augmenté des frais de transports de la matière première, au produit de l’étranger, pourrons-nous faire concurrence à l’étranger ? Et s’il implique contradiction que la baisse dont l’étranger nous fait jouir nous mette en état de lutter contre lui, c’est-à-dire de payer ses produits avec les nôtres, en quelle marchandise acquitterons-nous ses envois ? avec notre argent, sans doute. Prouvez donc que l’argent est une marchandise comme une autre, ou bien faites que toutes les marchandises équivaillent à l’argent : sinon taisez-vous, vous n’êtes que des brouillons et des étourdis.

Laissons entrer en franchise les céréales, crient aux fermiers les ligueurs anglais, et le prix des services étant réduit partout, la production du blé anglais sera moins chère ; et le fermier, et le propriétaire, et le journalier profiteront. — Mais encore une fois, ceci n’est rien moins que le mouvement perpétuel, et mérite qu’on le démontre. Comment, si la baisse des services en Angleterre est due à l’importation des blés d’Amérique et de la mer Noire, la production du blé anglais pourra-t-elle jamais lutter contre la production du blé russe ou américain ? Comment l’effet pourra-t-il vaincre la cause ? Le prix du blé étranger ne montera-t-il pas en raison de la demande ? ne diminuera-t-il pas en raison de la concurrence ? ne suivra-t-il pas toutes les oscillations du marché ? Si les frais de production du blé en Angleterre, par le fait de l’importation américaine, sont réduits de 3 fr. par